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Lorsqu’un jeune migrant de moins de 18 ans se présente et demande l’asile aux États-Unis, il est tristement placé en détention et est soumis à plusieurs séances  avec un psychologue. Ces rendez-vous chez un psychothérapeute sont censés être l’occasion, pour ces jeunes qui ont parfois vécu des moments très difficiles, d’évoquer et de soigner leurs traumatismes. Or, on s’est aperçu que depuis 2018, on avait donné le droit à ces psychologues de trahir le secret professionnel, puisque leurs notes peuvent en effet être envoyées aux services d’immigration. 

LE CAS DE KEVIN EUCEDA

Kevin Euceda, jeune Hondurien arrivé aux États-Unis à 17 ans, a été suivi par le Washington Post. Il souffre malheureusement d’un lourd passé, puisqu’il aurait été victime d’un gang qui l’aurait forcé à vendre de la drogue et à commettre des actes de violence. Il a raconté son histoire à un psychologue qui a ensuite envoyé les confidences du jeune homme aux services d’immigration, qui ont utilisé ses confidences au tribunal. Il est actuellement en détention depuis plus de 2 ans.

Le rapport écrit par le psychologue de son refuge pour mineurs immigrants au sujet de Kevin Euceda déclare que « le jeune rapporte des antécédents de violence physique, de négligence et d’une affiliation à un gang dans le pays d’origine. (…) C’est un mineur non accompagné qui a révélé avoir vendu de la drogue, et qui rapporte avoir été témoin de tortures et de meurtres, y compris de démembrement de parties du corps. » 

Lors de ses séances avec les psychologues, et alors qu’il pensait que ces conversations seraient confidentielles, Kevin avait donc évoqué son passé, mais également la colère et la frustration qu’il ressentait, des sentiments dus à sa détention complètement injuste. Il déclarait avoir souvent envie “d’exploser”. Lors de son audience au tribunal, les services d’immigration se sont malheureusement à plusieurs reprises appuyés sur les propos du jeune homme pour soutenir leur argumentation selon laquelle il était dangereux, et que, par conséquent, il ne devait surtout pas être libéré. Il est tout à fait honteux qu’on ait complètement trahi la confiance du jeune homme, et qu’au lieu d’être protégé, il soit complètement stigmatisé, voire que son expulsion soit envisagée.

UNE TRAHISON DU SECRET PROFESSIONNEL

Une consigne officielle aurait en effet été donnée : les psychologues doivent envoyer leur prise de notes aux services d’immigration, dès qu’un des jeunes qui se confient parle de drogue ou de gang. C’est une stratégie mise en place par l’administration Trump qui, bien qu’elle soit en théorie légale, est en pratique une violation honteuse et profonde de la confidentialité des patients. En réponse à cette consigne qu’ils jugent indigne et scandaleuse, plusieurs psychologues auraient donc commencé à modifier leurs notes afin de protéger les mineurs.

Il est tout à fait inadmissible que ces confessions tout à fait personnelles, qui évoquent des traumatismes profonds et très intimes, des cauchemars vécus par des enfants malgré leur jeune âge, puissent se retourner contre eux, sans qu’ils puissent le prévoir, lors d’audiences dont l’issue peut signifier la vie ou la mort. Il n’est pas normal que ces jeunes gens soient à la merci de leur passé, à la merci de propos qu’ils avaient tenus quand ils étaient plus jeunes, alors qu’ils étaient des personnes tout à fait différentes.

La situation de Kevin Euceda est similaire à celle d’un jeune adolescent détenu depuis près d’un an en Californie, qui avait évoqué ses envies suicidaires : lors de son audience, ses confidences s’étaient retournées contre lui : on avait jugé que dans la mesure où il était dangereux pour lui-même, il devait être expulsé. L’Association américaine de psychologie est tout à fait opposée à cette trahison du secret professionnel. 

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