Une étude d’une ampleur inédite révèle que le cerveau fonctionne comme un système collectif, mobilisant presque toutes ses régions pour prendre une décision. Ce modèle remet en cause les visions classiques et ouvre une nouvelle ère des neurosciences.

Douze laboratoires unissent leurs forces pour cartographier le cerveau à grande échelle
Pendant des décennies, chaque laboratoire explorait un fragment du cerveau. On découpait cet organe en zones, chacune reliée à une fonction précise : vision, mouvement, mémoire, langage.
Cette approche a permis des découvertes majeures. Cependant, elle laissait de côté une question essentielle : comment le cerveau fonctionne-t-il en situation réelle ?
Pour dépasser cette limite, 12 laboratoires en Europe et aux États-Unis ont travaillé ensemble, au sein de l’International Brain Laboratory. Leur objectif : établir une cartographie globale du cerveau.
Grâce aux sondes Neuropixels, capables d’enregistrer l’activité de centaines de milliers de neurones, les chercheurs ont collecté des données inédites. Ainsi, ils ont obtenu 600 000 neurones enregistrés, dont 75 000 analysés, répartis dans 279 régions cérébrales. Cela couvre 95 % du cerveau de souris soumises à un test de décision visuelle.
Par conséquent, cet exploit collectif rappelle les grandes collaborations en physique, comme celles du CERN.
La carte révèle que toutes les régions participent à la prise de décision

Le résultat est frappant. Au moment de choisir une direction, l’activité cérébrale ne se limite pas aux zones frontales. Au contraire, elle s’étend à des régions inattendues comme le tronc cérébral ou les aires motrices précoces.
De plus, même le thalamus ou le cortex visuel primaire, que l’on croyait cantonnés à la perception, participent à la préparation d’une action.
Autrement dit, le cerveau ne délègue pas ses choix à quelques centres spécialisés. Il fonctionne comme un réseau collaboratif. Chaque région, même sensorielle, contribue et anticipe. Ainsi, cette vision distribuée marque un tournant : le cerveau apparaît non plus comme une hiérarchie, mais comme une toile dynamique où tout communique.
Les attentes internes modifient fortement l’activité neuronale
Autre découverte majeure : les chercheurs ont montré que les croyances internes modifient la prise de décision. Quand les souris ne disposaient pas d’indices visuels clairs, elles s’appuyaient sur les probabilités apprises au fil des essais. En conséquence, ces attentes changeaient l’activité dans près de 30 % des régions cérébrales.
Cela prouve que le cerveau ne réagit pas seulement aux signaux sensoriels. En effet, il intègre ses expériences passées, génère des hypothèses et ajuste son activité selon ce qu’il « pense » probable.
De plus, même des zones rarement associées à la cognition se trouvaient impliquées. Par conséquent, cette observation remet en cause le modèle classique. On pensait que seules les aires frontales géraient les choix complexes.
Le cerveau agit comme un système prédictif global et dynamique
Au final, cette étude montre que le cerveau est un système prédictif distribué. Il combine anticipation et perception, mobilise un vaste réseau neuronal et ajuste ses réponses selon le contexte.
Grâce à cette approche, les chercheurs publient pour la première fois une carte dynamique de la décision à l’échelle globale.
C’est donc un changement de paradigme pour les neurosciences. Plutôt qu’un puzzle de régions isolées, le cerveau apparaît comme une machine collective, souple et adaptative.
Par ailleurs, les implications sont vastes : meilleure compréhension des troubles cognitifs, nouvelles pistes pour l’intelligence artificielle, et traitements innovants des maladies neurologiques.
Cette avancée n’est donc pas qu’une prouesse technique. Elle marque l’entrée dans une nouvelle ère de la recherche cérébrale. En effet, la coopération scientifique mondiale et les technologies de pointe permettent enfin d’observer le cerveau tel qu’il fonctionne vraiment : comme un réseau distribué et prédictif, capable d’anticiper l’avenir autant que de réagir au présent.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Sciences humaines