Aller au contenu principal

Ce procédé révolutionnaire promet moins de CO₂, mais pourrait anéantir une biodiversité océanique millénaire

Une nouvelle méthode pour traiter les métaux extraits des abysses promet de réduire les CO₂. Pourtant, ce progrès pose une question délicate : peut-on vraiment industrialiser les grands fonds sans bouleverser des écosystèmes vieux de plusieurs millénaires ?

Navire d’exploitation offshore à proximité d’une plateforme pétrolière en haute mer
Un navire industriel opère aux côtés d’une plateforme pétrolière en haute mer, symbole des activités offshore et de leurs enjeux environnementaux – DailyGeekShow.com / Image Illustration

La transition énergétique mondiale dope la demande en métaux et relance la course aux ressources sous-marines

Depuis quelques années, on observe une soif croissante de métaux rares. En effet, les voitures électriques, les éoliennes, les panneaux solaires… toutes ces technologies « vertes » nécessitent du nickel, du cobalt, du cuivre ou encore du manganèse. Or, les réserves terrestres s’amenuisent, ou deviennent politiquement et écologiquement sensibles.

Face à cette pression, les grands fonds marins attirent de plus en plus les convoitises. On y trouve des nodules polymétalliques, sortes de galets riches en métaux, disséminés sur des milliers de kilomètres carrés. Autrement dit, une sorte de trésor caché à plus de 4 000 mètres de profondeur, au large du Pacifique. C’est pourquoi les industriels s’intéressent désormais à ces zones encore inexplorées.

Une innovation métallurgique qui pourrait réduire le CO₂ : le plasma d’hydrogène à la place des énergies fossiles

Récemment, une équipe de chercheurs a testé un procédé métallurgique innovant, basé sur un plasma d’hydrogène chauffé à plus de 1700 °C. L’idée ? Remplacer les combustibles fossiles habituellement utilisés dans la transformation des minerais. Concrètement, l’hydrogène, une fois ionisé, réagit avec les oxydes présents dans les nodules pour en extraire les métaux tout en limitant les rejets polluants.

Ainsi, cette avancée technique ouvre la voie à une extraction en mer, suivie d’un traitement plus propre à terre. Cela permettrait de mettre en place une chaîne plus respectueuse du climat, sans passer par des étapes très énergivores. Le scénario est séduisant sur le papier. Toutefois, il ouvre une autre boîte de Pandore, car il relance un débat environnemental encore loin d’être tranché.

Des écosystèmes abyssaux uniques et vulnérables menacés par une exploitation industrielle encore mal encadrée

Les abysses ne sont pas des déserts. Bien au contraire, on y trouve une biodiversité foisonnante. En réalité, certains organismes mettent des décennies, voire des siècles, à se former. Leur rythme de vie est extrêmement lent. Et surtout, on ne les connaît que très partiellement.

C’est là que le bât blesse. En effet, le simple passage d’un engin collecteur peut retourner les sédiments, détruire des habitats, perturber la vie marine sur des centaines de kilomètres. De plus, les bruits et les vibrations générés par ces opérations sont susceptibles de perturber les cétacés et autres espèces sensibles au son.

Ainsi, des ONG comme Greenpeace ou Deep Sea Conservation Coalition tirent la sonnette d’alarme : les impacts à long terme sont inconnus et potentiellement irréversibles. En outre, les zones visées, comme la zone Clarion-Clipperton, sont encore largement inexplorées. Autrement dit : on fonce sans carte, avec tous les dangers que cela implique.

Un choix cornélien entre développement technologique et préservation de l’invisible, dans un flou juridique persistant

Le paradoxe est cruel. On veut une énergie plus propre, mais pour cela, on pourrait sacrifier un monde encore vierge. Ainsi, certains chercheurs y voient une folie planétaire, tandis que d’autres la considèrent comme un moindre mal face à la déforestation ou aux mines terrestres.

Pendant ce temps, les industriels avancent à grands pas. En effet, la technologie progresse, les tests s’accélèrent, et les règlements internationaux peinent à suivre. Dès lors, il y a urgence à réfléchir, à débattre, à poser des limites claires. Peut-on vraiment parler de transition verte si elle repose sur une destruction invisible ? C’est peut-être la question la plus vertigineuse de notre siècle technologique.


Par Gabrielle Andriamanjatoson, le

Source: Science & Vie

Étiquettes: ,

Catégories: ,

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *