Afin de démontrer qu’il est possible de publier absolument n’importe quoi dans certaines revues scientifiques réputées, deux universitaires et une journaliste ont réalisé un canular impressionnant qui a vu leurs pairs valider leurs travaux pour le moins fantaisistes. Explications.

 

Démontrer qu’il est possible de publier n’importe quoi lorsque l’on est « politiquement à la mode »

Durant un an, la journaliste Helen Pluckrose et les universitaires James Lindsay (chercheur en mathématiques) et Peter Boghossian (assistant-professeur de philosophie) sont parvenus à publier des études complètement absurdes, sur des sujets de société explosifs, dans de prestigieuses revues scientifiques américaines. Évaluées et validées par leurs pairs, celles-ci encourageaient notamment les hommes à utiliser des sex-toys pour diminuer la transphobie et augmenter les valeurs féministes, ou faisaient des parcs pour chiens des espaces où le viol était acceptable. Comme l’a expliqué James Lindsay, qui avait obtenu son doctorat de mathématiques à l’Université du Tennessee en 2010 : « Lorsque l’on rend des idées absurdes et horribles suffisamment à la mode politiquement, on arrive à les faire valider au plus haut niveau. ».

Sur la vingtaine d’articles nés de l’imagination fertile du trio, sept ont été acceptés suite à une relecture par des pairs, et 4 ont même été publiés. Selon leurs auteurs, ces études qui s’appuient sur de fausses données mais se basent sur des travaux existants et utilisent des mots à la mode démontrent qu’il est difficile d’avoir une conversation « ouverte et de bonne foi sur des sujets comme le genre, la race ou la sexualité dans le milieu universitaire ».

 

Un canular extrêmement controversé

La plupart des revues scientifiques piégées publiant habituellement les travaux de chercheurs d’universités prestigieuses, ce canular d’envergure a bien évidemment fait grand bruit outre-Atlantique. Parmi les « victimes », on compte notamment la revue de philosophie féministe Hypatia, qui avait publié l’article traitant des parcs pour chiens avant de le retirer après avoir découvert que son auteure présumée n’existait pas. Ann Gary, sa rédactrice en chef, déclarant notamment : « L’idée que des individus puissent soumettre des travaux académiques frauduleux viole de nombreuses normes académiques et éthiques ».

Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent pour défendre cette initiative, représentant pour certaines une façon efficace de mettre en évidence ce genre de dysfonctionnements, qui gangrènent de nombreux domaines scientifiques. Comme l’explique le philosophe américain Brian Earp : « De nombreux domaines scientifiques sérieux, comme la psychologie ou la médecine, ont également de gros problèmes en ce qui concerne la vérification des informations et publient de véritables non sens qui ne sont que du bruit. On trouve de nombreux travaux très politiques et peu crédibles dans des revues scientifiques prestigieuses ».

Si l’usurpation d’identité et la publication de fausses études scientifiques reste éthiquement discutable, les auteurs de ce canular affirment avoir voulu créer un débat au sein des sciences humaines sur les domaines abordés par leurs travaux.

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