
Depuis des décennies, les habitants de Californie redoutent un séisme majeur sur la faille de San Andreas. Pourtant, une récente étude consacrée à un tremblement de terre meurtrier survenu à des milliers de kilomètres de là, au Myanmar, vient remettre en question certains modèles scientifiques utilisés jusqu’ici.
Un séisme inattendu au Myanmar qui change la donne
En mars 2025, la ville de Mandalay et de vastes régions du Myanmar ont été frappées par un séisme de magnitude 7,7. Le bilan humain est terrible : des milliers de morts, des blessés par dizaines de milliers et des disparus dont le nombre exact reste inconnu. Les secousses ont été ressenties dans plusieurs pays voisins, comme la Chine, l’Inde, le Vietnam et la Thaïlande.
Au-delà de la tragédie humaine, cet événement attire l’attention de la communauté scientifique. Des chercheurs du California Institute of Technology (Caltech) ont analysé de manière fine les données recueillies, notamment grâce à des images satellites montrant le relief avant et après le séisme. Ils se sont intéressés à la faille de Sagaing, qui traverse le pays et qui est responsable de la catastrophe.
Ce séisme est survenu le long d’un segment qui n’avait pas bougé depuis près de deux siècles. Avec une rupture s’étendant sur 510 kilomètres, il s’agit de la plus longue rupture continentale jamais enregistrée. L’étude a été publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.
Quand les failles libèrent plus d’énergie que prévu
Avant cet événement, les scientifiques estimaient qu’une rupture majeure sur la faille de Sagaing couvrirait environ 300 kilomètres. Cette hypothèse était fondée sur le concept de la faille sismique, selon lequel les segments immobiles finissent par céder pour libérer la tension accumulée. En se basant sur l’historique des secousses et les zones restées immobiles, les chercheurs pensaient pouvoir estimer la longueur et l’ampleur d’une rupture. Or, le séisme de 2025 a dépassé ces prévisions, montrant que la faille peut libérer bien plus d’énergie que prévu.
En Californie, la faille de San Andreas présente des similitudes frappantes avec celle de Sagaing. Toutes deux sont des failles de décrochement droites, longues de plusieurs centaines de kilomètres. Les découvertes issues du séisme au Myanmar révèlent que les modèles actuels doivent être affinés pour mieux anticiper le prochain « Big One » en Californie. Certaines sections de la faille de San Andreas sont bloquées depuis bien plus longtemps que d’autres, accumulant une tension considérable. Si elles cèdent, la rupture pourrait se propager sur une longueur bien plus grande que celle anticipée.
Aujourd’hui, la plupart des modèles de risque sismique reposent sur des données historiques et des calculs statistiques indépendants du temps. Ils estiment la probabilité qu’un séisme d’une certaine magnitude survienne dans une région donnée sur une période donnée, par exemple 30 ans. Cependant, ces modèles ne prennent pas en compte l’état actuel des failles, comme les segments bloqués qui accumulent des tensions depuis longtemps.
Vers de nouveaux modèles prédictifs
Pour des prévisions plus précises, il est nécessaire d’intégrer des données sur l’activité sismique récente, les segments déjà glissés et ceux encore sous tension. Cette approche permettrait de mieux comprendre non seulement la probabilité d’un futur séisme, mais aussi son étendue potentielle et son intensité. Elle pourrait également expliquer pourquoi certaines ruptures dépassent la logique du « déficit de glissement », libérant davantage d’énergie qu’attendu.
Selon Jean-Philippe Avouac, professeur de géologie et de génie civil au Caltech, il est essentiel d’aller au-delà des modèles statistiques classiques. « Les futurs séismes ne seront pas nécessairement des copies conformes des événements passés. Même sur des failles relativement simples, comme celles de Sagaing ou de San Andreas, chaque rupture peut présenter des caractéristiques inédites et dépasser les attentes. », explique-t-il.
Avouac souligne également que les archives historiques sont souvent trop courtes pour refléter tous les schémas possibles de récurrence des séismes. L’histoire géologique d’une faille s’étend sur des milliers d’années, alors que les enregistrements fiables ne couvrent qu’un ou deux siècles. Les modèles fondés sur des principes physiques, ajustés aux observations actuelles, offrent une alternative prometteuse pour des prévisions plus précises et dépendantes du temps. Par ailleurs, découvrez pourquoi il faut prêter attention à la faille de San Andreas.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: IFL Science
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