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L’allongement du délai légal d’avortement est loin de faire l’unanimité

Pour l'Académie de médecine, un avortement plus tardif peut entrainer des "manœuvres chirurgicales dangereuses pour les femmes"

― Roman Kosolapov / Shutterstock.com

L’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, l’allongement du délai légal d’accès à l’avortement. Toutefois, les débats houleux ont ravivé le spectre des débats lors de la dépénalisation de l’IVG, en 1974, rappelant que ce sujet de société reste électrique en France. Le texte doit maintenant passer au Sénat en deuxième lecture, mais l’opposition du gouvernement et de l’Académie de médecine risque de porter préjudice à cette proposition de loi.

« Les combats pour les droits des femmes sont toujours difficiles face aux conservateurs »

La semaine dernière, l’Assemblée nationale résonnait de débats dignes de 1974, lorsque Simone Veil présentait son projet de loi visant à dépénaliser l’accès à l’avortement. 45 ans plus tard, des députés du groupe Écologie démocratie solidarité (EDS), formé il y a quelques mois par d’anciens députés La République en marche (LREM), ancrés à gauche, ont présenté une proposition de loi visant à allonger le délai légal pour avorter, de 12 à 14 semaines. Au terme de 10 heures de débat, le texte a finalement été approuvé en première lecture. Ce texte a été proposé suite à un constat accablant de manque de praticiens et de fermetures de centres IVG, qui provoquent un délai parfois de plusieurs semaines entre le premier rendez-vous et l’intervention. Résultat, chaque année, ce sont entre 3 000 et 4 000 femmes qui partent à l’étranger pour avoir recours à une IVG, notamment aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, où les délais sont beaucoup plus longs. Du fait de cycles parfois irréguliers, certaines femmes se rendent compte trop tard qu’elles sont enceintes.

De la droite au centre, les oppositions ont ressurgi de manière virulente. Ils ont accusé le groupe EDS de « déséquilibrer » la loi Veil. Ils n’acceptent pas la proposition de mettre fin à la clause de conscience des médecins, qui leur permet de refuser de pratiquer une IVG, ce qui, selon la députée EDS Albane Gaillot, maintient l’IVG « dans un statut à part » alors que « c’est un acte de santé comme un autre ». L’ancien député LREM Matthieu Orphelin, président du groupe EDS, fustige les opposants : « Les combats pour les droits des femmes sont toujours difficiles face aux conservateurs. » Le texte prévoit également de permettre aux sages-femmes de pratiquer une IVG.

L’Académie de médecine s’est prononcée contre

Le texte était soutenu par la gauche, en particulier par La France insoumise (LFI), notamment la députée Clémentine Autain, qui a raconté avoir elle-même avorté malgré des complications liées à une question de délais. De son côté, l’Académie de médecine s’est prononcée contre un allongement du délai, arguant que la procédure pour un avortement, à 14 semaines, était « plus technique ». Israël Nisand, chef du service de gynécologie-obstétrique du CHU de Strasbourg, explique au Monde qu’allonger ce délai « n’a rien d’anodin ». « Concrètement, à 12 semaines, un [embryon] mesure 120 mm, de la tête aux fesses. A quatorze, il mesure 120 mm et a la tête ossifiée. Ce qui veut dire qu’il faut couper le fœtus en morceaux et écraser sa tête pour le sortir du ventre. On peut donc comprendre que cela soit assez difficile à réaliser pour beaucoup de professionnels », a-t-il expliqué.

Sophie Gaudu, gynécologue-obstétricienne et responsable de centres IVG et de planification familiale, explique de son côté au Huffington Post que, certes, “entre 12 et 14 semaines, on ne peut pas dire que ce soit tout à fait pareil, mais c’est un geste que les professionnels font déjà notamment dans le cadre des interruptions médicales de grossesse”. Dans une tribune parue dans L’Obs, elle – ainsi qu’un groupe de médecins – précise : « Une IVG chirurgicale à 14 semaines n’est guère plus traumatique ni techniquement difficile qu’à 12. Car oui, il y a dilacération et extraction par fragments même à des termes plus précoces. Nul besoin de souligner les détails de la technique, qui est rigoureusement la même, dans l’espoir d’impressionner et de heurter la sensibilité de nos concitoyens. »

Reste que, à présent, le texte doit passer en deuxième lecture au Sénat. Or, comme le rappelle Marianne, cela peut très bien ne jamais arriver : en effet, le groupe EDS n’existe pas au Sénat, or c’était lui qui était le plus favorable à ce projet. Ils n’ont donc pas le pouvoir d’imposer l’ordre du jour sénatorial. « Sur les quatre semaines par mois, deux semaines sont réservées au gouvernement, qui inscrit en général ses propres textes », explique un collaborateur de sénateur. Or, le gouvernement n’est pas favorable à cette proposition de loi, qu’il juge trop sensible pour être votée lors d’une niche parlementaire, c’est-à-dire un créneau lors duquel les groupes peuvent inscrire leurs propositions à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. C’est pourtant ce qu’il s’est passé en première lecture, mais cela pourrait ne pas être le cas au Sénat. Pourtant, 232 200 femmes ont eu recours à une IVG en 2019, soit 7 900 de plus qu’en 2018.

Par Marine Guichard, le

Source: 20 minutes

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  • ah si c’étaient les hommes qui « tombaient enceinte » ils s’accorderaient beaucoup plus de liberté, la femme n’est toujours pas responsable de son corps, c’est l’Etat qui doit en être de détenteur, monde PATRIARCAL de merde