La Lune, satellite de la Terre, apparaît généralement comme un astre nu, dépourvu de la protection atmosphérique que nous connaissons sur notre planète. Pourtant, malgré sa faible épaisseur, elle possède bel et bien une atmosphère, bien que très ténue, connue sous le nom d’exosphère. La présence de cette fine enveloppe de gaz a longtemps intrigué les scientifiques, notamment en raison de l’absence de champ magnétique lunaire capable de la maintenir contre les assauts du vent solaire. Aujourd’hui, grâce à des recherches approfondies publiées dans la revue Science Advances, la lumière a été faite sur ce phénomène intrigant.
Une enveloppe ténue mais persistante
Bien que la Lune ne possède pas d’atmosphère semblable à celle de la Terre, elle est entourée d’une fine couche de gaz appelée exosphère. Cette découverte a surpris les scientifiques car la Lune, contrairement à notre planète, ne bénéficie pas d’un champ magnétique capable de retenir une atmosphère. Théoriquement, les forces du vent solaire, violentes et constantes, auraient dû balayer cette fine enveloppe de gaz depuis longtemps. Pourtant, l’exosphère lunaire persiste, ce qui soulève une question essentielle : comment est-elle maintenue ?
Les détecteurs installés sur la Lune lors des missions Apollo ont permis de détecter des composants atomiques dans cette exosphère, confirmant son existence. Cependant, les origines exactes de cette fine atmosphère sont restées floues pendant de nombreuses années.
Les théories initiales suggéraient que l’exosphère était formée par des processus tels que la pulvérisation ionique, où des particules chargées du vent solaire bombardent la surface lunaire, éjectant ainsi des atomes dans l’espace. Mais cette hypothèse, bien que plausible, ne parvenait pas à expliquer l’ensemble du phénomène.
La découverte des micrométéorites
Les scientifiques ont maintenant identifié la source du réapprovisionnement continu de la Lune en gaz en diminution, qui est évidente. De minuscules micrométéorites, de la taille d’une particule de poussière, percutent continuellement la surface lunaire, entraînant le soulèvement et la vaporisation de la poussière lunaire et la libération d’atomes dans l’espace entourant la Lune.
Selon Nicole Nie, géochimiste au Massachusetts Institute of Technology (MIT), la Lune a été soumise à un bombardement météoritique constant pendant environ 4,5 milliards d’années depuis sa formation. L’accumulation continue des impacts micrométéoritiques sur toute la surface lunaire a permis à cette fine atmosphère d’atteindre un état stable.
Pour démêler les contributions respectives de ces processus, Nie et ses collègues ont entrepris une nouvelle analyse. Leur étude s’est appuyée sur les données recueillies par l’orbiteur lunaire LADEE (Lunar Atmosphere and Dust Environment Explorer), qui a exploré l’exosphère pendant sept mois entre 2013 et 2014. Les résultats, bien que suggestifs, n’ont pas permis de trancher définitivement entre les deux processus.
Ils ont montré que lors des pluies de météorites, la quantité d’atomes dans l’atmosphère augmentait, indiquant un rôle significatif des impacts. De même, des variations ont été observées lorsque la Lune était protégée du vent solaire, notamment lors des éclipses, soulignant également l’importance du Soleil.
Analyse des échantillons lunaires
Pour aller plus loin, les chercheurs ont examiné des échantillons de sol lunaire rapportés par les missions Apollo. Ils se sont concentrés sur le potassium et le rubidium, deux éléments présents sur la Lune et facilement vaporisables. Lorsqu’ils sont exposés à des impacts micrométéoritiques ou à la pulvérisation ionique, ces éléments sont vaporisés et retombent ensuite sur la surface lunaire.
Les chercheurs ont analysé les échantillons à l’aide d’un spectromètre de masse, un appareil permettant de mesurer les proportions des isotopes de ces éléments. Les résultats ont montré que les deux processus, impacts et pulvérisation, jouent un rôle dans la formation de l’exosphère, mais que la contribution des micrométéorites est plus de deux fois supérieure à celle du vent solaire.
« Avec la vaporisation par impact, la plupart des atomes restent dans l’atmosphère lunaire, alors qu’avec la pulvérisation ionique, de nombreux atomes sont éjectés dans l’espace », précise Nie. Cette découverte permet de quantifier les contributions relatives des deux processus, estimées à environ 70 % pour les impacts contre 30 % pour la pulvérisation ionique.
Des missions visant à récupérer de tels échantillons sont déjà en cours, comme celle de l’Agence spatiale européenne, qui envisage de rapporter des échantillons de Phobos, lune de Mars. L’analyse des isotopes de potassium et de rubidium dans le régolithe de ces objets pourrait révéler comment ils ont été affectés par les impacts micrométéoritiques et la pulvérisation ionique sur des échelles de temps géologiques. Par ailleurs, le rover chinois cartographie 300 mètres de structures enfouies sous la surface de la Lune.