Plus d’un tiers de l’humanité ne peut admirer la Voie lactée, selon un atlas publié dans la revue Science Advances. En cause, les lumières artificielles qui éclairent nos rues la nuit. Quant aux endroits dénués de toute pollution lumineuse, ils se réduisent peu à peu dans le monde. D’autant plus que les nouvelles ampoules LED, qui s’invitent chaque jour davantage dans nos villes, risquent d’aggraver la situation.
Depuis son invention en 1879, l’ampoule électrique a totalement changé nos habitudes, on le sait. Travailler, lire ou voyager à toute heure du jour ou de la nuit est devenu possible, et cela grâce à la lumière artificielle. L’ampoule est désormais partout : chez nous, dans nos rues, sur nos smartphones… A tel point que l’on peut même nous voir depuis l’espace. Mais ce que l’on considère comme un énorme progrès économique ne serait-il pas en train de nuire à notre santé ainsi qu’à celle des animaux nocturnes ?
Selon un nouvel atlas mondial de la clarté artificielle du ciel nocturne (The New World Atlas of Artificial Night Sky Brightness), réalisé par une équipe internationale de chercheurs, la pollution lumineuse empêcherait non seulement un tiers de l’humanité d’observer la Voie lactée, mais cela bouleverserait également notre écosystème.
Pour obtenir ces estimations, les chercheurs ont analysé des dizaines de milliers d’images en haute définition récoltées par le satellite météorologique Suomi NPP. Ils ont ensuite comparé ces données avec des relevés de luminosité du ciel provenant de plusieurs endroits sur Terre.
La Voie lactée, c’est cette bande claire que l’on peut observer dans un ciel nocturne dégagé… et exempt de toute pollution lumineuse. A Paris, Singapour ou encore au Qatar, où les lumières artificielles sont nombreuses, il est devenu quasiment – voire totalement dans certains cas – impossible de la contempler. Aux États-Unis, quatre Américains sur cinq ne peuvent la voir.
Mis à part les vastes océans et les pôles désertiques, la proportion des régions peuplées dans le monde bénéficiant d’un ciel noir étoilé est faible et tend même à diminuer de plus en plus. Le Tchad, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Madagascar mais aussi de nombreuses zones en Australie et au Canada sont préservés des lumières artificielles. Mais pour combien de temps ?
Selon Fabio Falchi, professeur de physique à Thiene en Italie et l’un des membres de l’équipe, la vie sur notre planète évolue depuis des millions d’années en suivant ce schéma : lumière le jour et noir la nuit. Pour lui, la pollution lumineuse est désormais un véritable problème environnemental à l’échelle planétaire. Il ajoute que l’impact est également culturel car depuis toujours nos religions, la philosophie, la science, l’art et la littérature sont liées et inspirées par le ciel étoilé situé juste au-dessus de nos têtes.
L’un des co-auteurs de l’étude, Dan Duriscoe, souligne quant à lui les effets de cette pollution sur les espèces vivant la nuit. Pour ne citer qu’elles, les tortues marines, les insectes nocturnes et les oiseaux migratoires en sont les plus grandes victimes car leur cycle de vie est totalement bouleversé.
Pour ce qui est des conséquences sur notre santé, des études menées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2007 et l’Association médicale américaine en 2012 s’alarment de l’exposition prolongée à la lumière artificielle car cela pourrait augmenter le risque d’avoir certains cancers.
Le remplacement des éclairages actuels par des ampoules LED pourrait empirer la situation. Beaucoup moins énergivores, plus durables et plus lumineuses que les lampes à incandescence, les LED séduisent de nombreux pays, notamment les États-Unis, qui les utilisent de plus en plus. Le problème, c’est que la luminosité des LED aux teintes bleues et blanches est encore plus forte et, par conséquence, cela augmenterait davantage la clarté artificielle du ciel et donc la pollution lumineuse, selon les chercheurs. Nos yeux ainsi que le rythme circadien, donc notre sommeil, notre santé physique et mentale, pourraient en être affectés.
Sur cette carte interactive, vous pouvez vous rendre compte du niveau de pollution lumineuse dans tous les endroits du monde :
Préférer les LED aux couleurs chaudes plutôt que bleues, équiper les lampadaires de détecteurs de mouvements, éteindre nos lumières dès que possible et même l’avènement des voitures sans chauffeurs (ce qui limiterait l’éclairage public la nuit) sont autant d’initiatives qui pourraient limiter les dégâts causés par la lumière artificielle. Mais sans un vrai débat et une réelle prise de conscience, la tendance ne risque pas de s’inverser
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Par Noémi Capell, le
Source: Scientific American
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