De nombreux experts ont déterminé que la course contre la montre pour immuniser la population mondiale contre le Covid-19 pourrait entraîner la mise sur le marché de vaccins disposant d’une efficacité limitée, susceptibles d’aggraver la pandémie.

« Nous assistons à une sorte de ruée à la fois nationaliste et capitaliste »

Ces derniers mois, de nombreux gouvernements et sociétés pharmaceutiques ont annoncé redoubler d’efforts afin de pouvoir proposer un vaccin contre le Covid-19 dans les plus brefs délais. Bien que celui-ci se révèle absolument vital pour stopper la pandémie, de nombreux experts mettent actuellement en garde contre les risques que des délais de développement aussi réduits peuvent engendrer. Avec notamment des premiers vaccins susceptibles de présenter une efficacité réduite mais largement vendus et utilisés à l’échelle mondiale.

« Même si le premier vaccin disponible ne protégeait qu’une minorité de la population, il serait considéré comme une référence à partir de laquelle l’efficacité des composés ultérieurs serait mesurée. Ce qui pourrait conduire à l’approbation de vaccins de qualité inférieure, car ils n’auraient pas à démontrer qu’ils sont meilleurs », souligne Richard Peto, professeur de statistique médicale à l’université d’Oxford et conseiller de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

« Nous assistons à une sorte de ruée à la fois nationaliste et capitaliste, pour être le premier à homologuer un vaccin. Nous avons besoin d’un vaccin qui fonctionne et nous en avons besoin rapidement, mais des preuves assez solides de son efficacité sont également nécessaires », poursuit le chercheur.

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Entre 30 et 50 % d’efficacité

Dans le cadre d’une étude récemment publiée dans la revue The Lancet, le groupe d’experts chargé de conseiller l’OMS pour l’essai clinique « Solidarity » (visant à comparer différents candidats vaccins) a estimé que la mise sur le marché d’un composé de faible efficacité serait pire que l’absence de vaccin. Étant donné que les personnes vaccinées supposeraient qu’elles ne sont plus à risque et seraient alors plus susceptibles de contracter le virus et de le transmettre.

« Le déploiement d’un vaccin faiblement efficace pourrait en fait aggraver la pandémie de Covid-19 si les autorités supposent à tort qu’il entraîne une réduction substantielle du risque, ou si les personnes vaccinées croient à tort qu’elles sont immunisées, réduisant ainsi la mise en œuvre ou le respect des autres mesures visant à limiter la propagation du Covid-19 », expliquent les chercheurs.

C’est pourquoi ceux-ci exhortent aujourd’hui l’ensemble des organismes de réglementation à s’en tenir aux recommandations de l’OMS, selon lesquelles aucun vaccin dont l’efficacité se révèlerait inférieure à 30 % ne devrait être approuvé. Si l’organisation recommande une efficacité d’au moins 50 %, elle autorise une précision de 95 %, ce qui signifierait, en pratique, au moins 30 %.

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Un essai multi-vaccin mondial

Pour les chercheurs, des essais cliniques tels que « Solidarity » constituent la meilleure façon de procéder. « Par rapport aux essais individuels, un essai mondial multi-vaccin avec un groupe de contrôle commun pourrait offrir des résultats plus rapides et plus fiables », écrivent-ils. « Des taux d’inscription élevés facilités par une conception flexible des essais et des centaines de sites d’étude dans des lieux à forte incidence pourraient donner des résultats sur l’efficacité à court terme de chaque vaccin en quelques mois seulement. »

De bons résultats en termes de sécurité et d’efficacité ne garantissent pas qu’il n’y aura pas de problèmes à long terme, la protection conférée par le vaccin étant susceptible de s’affaiblir. Mais les chercheurs estiment que « les coûts des essais ne représenteront qu’une fraction des coûts sociétaux du Covid-19 », et que cette collaboration mondiale pourrait « réfuter le nihilisme et le nationalisme nuisibles en matière de vaccins ».

Si le Covid-19 semble actuellement moins mortel en Europe, grâce à un meilleur dépistage et une meilleure prise en charge, de nombreux chercheurs rappellent qu’il existe toujours un délai entre les pics de cas et de décès.

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