Après l’atroce trafic d’oiseaux, ce sont désormais les animaux exotiques qui sont victimes d’un trafic illégal. Cette fois-ci, les échanges ne s’organisent pas sur les marchés, mais… sur les réseaux sociaux ! C’est notamment sur Instagram que ces animaux sont très prisés. Un trafic qui, ne l’oublions pas, porte atteinte au bien-être et au développement de ces espèces animales exotiques.

UN ABOMINABLE TRAFIC QUI SE DÉROULE SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

« Grâce aux réseaux sociaux, les personnes qui font des élevages clandestins peuvent ouvrir leur commerce au monde entier et vendre ces animaux sous le manteau », s’indigne Reha Hutin, présidente de la fondation 30 Millions d’amis. En effet, grâce à Instagram et WhatsApp, les trafiquants peuvent étendre leur marché d’animaux exotiques. Le premier est utilisé comme une vitrine et le second en tant que moyen de communication. Des trafiquants et des acheteurs qui restent bien évidemment anonymes.

Reha Hutin exige également que la vente de n’importe quel animal sur Internet soit bannie. Ce trafic fait d’ailleurs partie des plus abondants au monde. Selon l’ONG WWF, le trafic d’animaux exotiques protégés rapporterait 19 milliards de dollars, soit plus de 17 milliards d’euros par an. Alors qu’un lynx peut coûter jusqu’à 6 000 dollars, un caracal peut en coûter 8 000. Bien évidemment, sans oublier les frais de port ! Il s’agit donc de la 4e activité criminelle la plus lucrative au monde. S’il existe depuis bien des années, les réseaux sociaux facilitent de jour en jour son développement.

— ScottyJ3785 / Shutterstock.com

DES ANIMAUX SAUVAGES QUI SOUFFRENT LORS DU TRANSPORT

« 30 à 40 % des espèces exotiques importées illégalement meurent pendant le transport », rapporte Eric Hansen, délégué de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage pour les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse. En plus d’être enlevés de force de leur milieu naturel, leur transport est donc un véritable risque.

Eric Hansen a également partagé de nombreux cas qui témoignent des conditions abominables dont ils sont victimes lors de ces voyages. Par exemple, il raconte qu' »un homme avait attaché des colibris dans son caleçon, les oiseaux avaient les ailes scotchées. Il s’agissait d’espèces très rares dont certaines que je n’avais jamais vues dans la nature. Un autre a été interpellé avec 162 grenouilles du bonheur dans une valise. Il avait entassé dix grenouilles par verre en plastique, beaucoup sont mortes. »

Ces conditions atroces ne poussent pourtant pas les acheteurs et collectionneurs à y renoncer, au détriment du bien-être des animaux. Et les trafiquants continuent de s’en procurer. « Depuis un an, j’ai fait saisir une soixantaine d’animaux vivants à Paris. C’est ici qu’il y a le plus de trafic et les personnes interpellées sont généralement déjà impliquées dans d’autres trafics », rapporte d’ailleurs Yannick Jaouen, inspecteur de la brigade mobile d’intervention Cites-Capture, qui veille à mettre fin au trafic d’espèces animales protégées à Paris et sa banlieue. Il précise également que leurs propriétaires peuvent parfois les louer pour une soirée, font payer ceux qui souhaitent prendre des selfies. Des combats entre chiens et félins sont parfois même organisés.

UN VÉRITABLE « EFFET DE MODE »

Avec les réseaux sociaux, cette pratique bénéficie malheureusement d’une très bonne visibilité. En effet, au mois de septembre 2019, les habitants d’Armentières, située dans le Nord de la France, ont été stupéfiés à la vue d’une panthère noire qui se promenait tranquillement dans la rue. Par ailleurs, le 13 novembre, le rappeur Booba a partagé sur Instagram la photo d’un lionceau qui s’était assoupi dans une voiture. Le trafic de ces animaux sauvages protégés entraîne donc un engouement important sur la toile.

« Il y a eu des cas de vidéos virales d’espèces mignonnes sur des réseaux sociaux qui ont conduit à une hausse de la demande et donc une expansion du marché », s’indigne Morgan Tingley, ornithologue. Elle alerte également sur le fait que « le trafic du commerce d’animaux de compagnie a poussé certaines espèces au bord de l’extinction, comme le loris lent de Java ». Un primate qui a profondément souffert de son succès sur la toile, explique l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui dénonce le commerce d’animaux exotiques et le retrait de leur habitat naturel.

Ces dernières semaines, ce sont les loutres asiatiques qui font sensation sur Instagram. « L’effet de mode est très fort, les particuliers ont envie d’avoir un animal que personne n’a pour se démarquer », explique Eric Hansen.

UN TRAFIC QUI PRÉSENTE AUSSI DES RISQUES POUR LA VIE ET LA SANTÉ DES ÊTRES HUMAINS

Ce trafic illégal engendre de graves risques pour les espèces exotiques, mais également pour les êtres humains. Reha Hutin explique notamment qu’après « trois mois de vie, un lionceau est moins attendrissant et devient plus dangereux, donc, on s’en débarrasse ». Les risques sont que l’animal s’échappe, soit abandonné ou qu’il s’attaque directement à son propriétaire.

« Quand je travaillais en Ile-de-France, des policiers avaient arrêté des trafiquants de drogue qui avaient des photographies d’un lionceau dans leurs téléphones. Paniqués, ils ont relâché le félin en pleine rue », témoigne à son tour Eric Hansen. Certes, le lionceau était encore petit, mais sa provenance étant inconnue, il est très probable qu’il soit porteur de maladies, telles que la rage.

DES CONTRÔLES BIEN COMPLEXES

« Souvent, le détenteur n’est pas celui qui poste la photographie », explique Yannick Jaouen. Cela complexe considérablement les contrôles et les arrestations des trafiquants illégaux d’animaux exotiques. Trouver l’origine de la photographie est très délicat, l’image étant de maintes fois partagées.

« Avec la sensibilisation, les propriétaires sont de plus en plus prudents mais en remontant des posts Internet, on parvient régulièrement à retrouver l’adresse IP. C’est de cette façon que nous avons retrouvé en 2017 le lionceau détenu en Seine-Saint-Denis dans des conditions épouvantables, mais pour quatre lionceaux sauvés en deux ans, combien sont introuvables », s’inquiète Reha Hutin.

En 2018, Instagram est devenu un des membres fondateurs de la Coalition mondiale qui veille à mettre fin aux trafics d’espèces sauvages. Malheureusement, « étant donné le grand nombre de posts, et bien qu’elles fassent de leur mieux, il est impossible pour les plates-formes (Instagram, eBay, Facebook et Twitter) de les vérifier tous », explique l’ONG britannique Traffic.

Enfin, dès le 1er janvier 2020, à l’occasion de la création de l’Office français de la biodiversité (fusion entre l’Agence française pour la biodiversité et l’ONCFS), Yannick Jaouen recrutera sur concours trois nouvelles personnes qui l’aideront à repérer les trafiquants d’espèces protégées. Même si cette initiative est un bel espoir, « les moyens resteront contraints » afin de mettre définitivement fin à cette abominable pratique.

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1 Commentaire
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Hugo
Hugo
4 années

« Cela complexe considérablement […]???