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Des animaux des profondeurs capables de voir sans la moindre lumière du soleil… et en couleurs ?

Les chercheurs ont mis en évidence un système visuel totalement inédit

Un Myctophidae Lampanyctus — Timandkris / Flickr

Alors que les biologistes marins ont cru jusqu’à présent que les espèces vivant dans les grands fonds marins étaient toutes aveugles, une nouvelle étude révèle le contraire. En réalité, ces espèces sont dotées d’un système visuel leur permettant de voir d’une part et de distinguer les couleurs d’autre part.

Des chercheurs venant des quatre coins du monde se sont réunis pour résoudre les mystères des grands fonds marins et ils ont fait une surprenante découverte sur la vision des poissons vivant dans les eaux profondes.

Les espèces vivant dans les eaux profondes ont un système de vision particulier

L’étude, parue dans la revue Science, a fait taire l’idée reçue selon laquelle les animaux vivant dans les eaux profondes et sombres étaient aveugles. Jusqu’à présent, les scientifiques ont effectivement supposé que ces animaux ne pouvaient ni voir ni discerner les couleurs. Mais dans les deux cas, c’est faux.

Karen Carleton, professeur de biologie à l’université du Maryland, a déclaré qu’il s’agissait de « la première étude qui examine un ensemble varié de poissons et constate à quel point leur système visuel peut être polyvalent et variable ».

Les chercheurs ont analysé le système de vision de plusieurs poissons des grandes profondeurs.

Les poissons des grandes profondeurs détectent la lumière et les couleurs

Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont analysé le génome de 101 poissons. Il faut savoir que le système visuel rétinien est composé de deux cellules : les bâtonnets et les cônes. Toutes deux contiennent des opsines, il s’agit de pigments sensibles à la lumière, qui absorbent  des longueurs d’ondes spécifiques de la lumière et les convertissent ensuite en signaux électrochimiques que le cerveau identifie comme étant une couleur. Le nombre et le type d’opsines présentes dans une cellule photoréceptrice déterminent les couleurs perçues par un animal.

Avant cette étude, les scientifiques ont pensé que les bâtonnets servaient à détecter la lumière même dans les environnements à très faible luminosité et que les cônes, quant à eux, avaient pour rôle de détecter les couleurs. Toutefois, ce nouveau papier a révélé aux chercheurs que ce n’était pas forcément le cas. En effet, certains poissons possédaient plusieurs opsines au niveau de leurs cellules-bâtonnets, ce qui leur permettait de voir les couleurs sans l’aide des cônes. Néanmoins, les cônes disposent de gènes permettant de convertir plusieurs sortes d’opsines en couleurs, c’est pourquoi ils tiennent un rôle majeur dans la détection des couleurs.

Ils ne sont pas aveugles du tout.

99 % des poissons sont daltoniens

Ainsi, le Dr Fabio Cortesi, chercheur à l’Institut de zoologie de l’université de Bâle, en Suisse, et à l’Institut du cerveau de l’université du Queensland, en Australie, déclare que chez 99 % des vertébrés, les bâtonnets ne peuvent identifier qu’un seul gène d’opsine sensible à la lumière, car les cônes ne sont pas aussi sensibles que les bâtonnets. La majorité des vertébrés dans les grandes profondeurs sont donc daltoniens dans des conditions de faible luminosité.

Néanmoins, certaines espèces de poissons font exception à cette règle. Les chercheurs ont effectivement analysé les gènes d’expression des opsines dans les cônes et les bâtonnets chez des poissons vivant dans des eaux peu profondes et dans des eaux allant jusqu’à 2.000 mètres de profondeur. Ils ont découvert 13 poissons dont les bâtonnets contenaient plus d’un gène d’opsine dans les cellules-bâtonnets. Quatre d’entre eux, des poissons de haute mer, présentaient même plus de trois gènes d’opsine dans les cellules-bâtonnets. Les trois premiers sont le Benthosema glaciale, avec 5 gènes ; le Stylephorus chordatus, avec 6 gènes et le Diretmoides pauciradiatus avec 18 gènes.

La majorité des poissons sont daltoniens mais certains sont dotés d’une incroyable vision.

Un poisson possédait 38 gènes d’opsine

C’est le plus grand nombre d’opsines que les chercheurs ont découvert jusqu’à maintenant non seulement dans les cônes d’un poisson mais aussi chez n’importe quel autre vertébré. Pour vous faire une idée, la vision humaine compte quatre opsines. Le poisson détenteur de cette merveilleuse faculté est la hache d’argent à épines ou Argyropelecus aculeatus.

« C’était très surprenant », s’exclame Carleton, citée par Trust my Science. Elle ajoute : « Cela signifie que les poissons à épines argentées ont des capacités visuelles très différentes de celles que nous pensions. Alors, la question est de savoir à quoi cela peut servir ? Dans quel objectif ces poissons pourraient-ils utiliser ces opsines spectralement différentes ? »

L’Argyropelecus aculeatus © Wikipédia

Une hypothèse possible

Selon cette scientifique, la réponse pourrait se trouver dans la détection des proies. Avant cette recherche, les scientifiques pensaient que dans les eaux profondes, les animaux n’avaient pas besoin de vision en couleurs et, d’ailleurs, seule la lumière bleue pénètre à plus de 200m. Toutefois, on sait maintenant que, dans la profondeur des eaux, de nombreux animaux émettent leur propre lumière par bioluminescence. Ainsi, selon Carleton, les nombreuses opsines des poissons à épines argentées peuvent peut-être servir à identifier les différentes couleurs émises par les espèces dont ils se nourrissent.

Les chercheurs comptent poursuivre leurs recherches sur les animaux d’eaux profondes et d’eaux peu profondes pour découvrir s’il existe d’autres espèces présentant un si grand nombre d’opsines bâtonnets.

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