Une récente série d’expériences menées par des scientifiques américains a démontré les propriétés exceptionnelles d’un alliage simple, s’adjugeant le titre du matériau le plus résistant jamais produit.
Un alliage à haute entropie
Composé de chrome, de cobalt et de nickel (CrCoNi), le matériau en question appartient à une classe de métaux connus sous le nom d’alliages à haute entropie (HEA). Alors que la plupart de leurs homologues classiques sont constitués d’un élément métallique dominant auquel sont ajoutées de petites quantités d’autres métaux, les HEA en contiennent des quantités égales.
Cela peut leur conférer des propriétés impressionnantes, telles que des rapports résistance/poids élevés, un module d’élasticité augmentant avec la température, ou encore une résistance et une ductilité (désignant la capacité d’un matériau à se déformer plastiquement sans se rompre) record.
Lors de travaux précédents, les chercheurs du Berkeley Lab avaient constaté que le CrCoNi présentait une résistance et une ténacité (capacité à résister à la propagation d’une fissure) exceptionnellement élevées à -196 °C. Pour cette nouvelle étude publiée dans la revue Science, l’équipe a cherché à savoir comment il se comporterait à des températures encore plus basses (jusqu’à -253 °C), et constaté que ces propriétés étaient encore renforcées.
« La ténacité de ce matériau à des températures proches de celles où l’hélium existe à l’état liquide atteint 500 mégapascals par mètre carré », souligne Robert Ritchie, co-auteur de l’étude. « À titre de comparaison, celle d’un morceau de silicium est d’1 mégapascal par mètre carré, contre 35 pour les cellules en aluminium des avions de tourisme et 100 pour les meilleurs aciers au monde. »
Des propriétés exceptionnelles dues à une série d’interactions atomiques
Les matériaux devenant normalement plus fragiles à très basse température, l’équipe a cherché à établir les raisons des propriétés hors du commun du CrCoNi, en utilisant différents types de microscopie afin de sonder la structure du réseau cristallin de l’alliage sous la contrainte.
Il s’est avéré que le CrCoNi les devait à une série d’interactions atomiques se produisant dans une séquence spécifique, avec des imperfections de cristaux déplacées par la force appliquée jusqu’à ce qu’elles créent des barrières empêchant la propagation des fissures, faisant finalement passer sa structure cristalline de cubique à hexagonale.
Selon l’équipe, la résistance du matériau à de telles températures ouvre la voie à son utilisation pour la fabrication d’appareils et équipements destinés à évoluer dans des environnements extrêmes, tels que l’espace lointain.