Pendant plus d’une décennie, elle a été perçue comme un symbole de diversité dans la Grande-Bretagne romaine. Mais une enquête génétique de pointe bouleverse tout : et si nous nous étions tous trompés sur la véritable origine de la mystérieuse femme de Beachy Head ?

Une interprétation erronée née de l’analyse d’un crâne daté de l’époque romaine
Tout commence avec un squelette exhumé dans le Sussex, au sud-est de l’Angleterre. Daté de l’époque romaine, ce corps féminin vieux de près de 2 000 ans intrigue les scientifiques par ses traits physiques jugés « atypiques » pour une population britannique antique. Rapidement, certains chercheurs avancent une hypothèse audacieuse : cette femme aurait des origines africaines. Une première dans le récit archéologique britannique !
L’idée fait mouche. Médias, documentaires, livres scolaires… la « première Britannique noire » entre dans l’imaginaire collectif. On y voit un symbole puissant de diversité dans l’histoire ancienne de l’île. Pourtant, cette version repose sur une méthode jugée aujourd’hui peu fiable : l’analyse morphologique du crâne.
Grâce à l’ADN ancien, les scientifiques rétablissent une toute autre vérité
En 2024, une équipe du Musée d’histoire naturelle de Londres reprend l’affaire avec les technologies les plus avancées. Grâce à un ADN mieux conservé et à de nouveaux génomes publiés, le verdict tombe : cette femme n’est ni africaine, ni méditerranéenne. Elle est britannique de souche.
Son profil génétique la rapproche des populations rurales de Grande-Bretagne à l’époque romaine. Il évoque aussi celui des Britanniques contemporains. De plus, côté apparence, elle avait probablement les yeux bleus, les cheveux clairs et un teint intermédiaire. Loin de la figure symbolique initialement défendue.
Ainsi, cette mise à jour ne fait pas que corriger une erreur. Elle montre à quel point des outils d’analyse plus puissants peuvent changer notre lecture du passé. L’ADN ne raconte pas seulement une histoire individuelle. Au contraire, il reconnecte un destin humain à une mémoire collective plus précise.
Pourquoi les critères morphologiques sont de moins en moins crédibles en anthropologie
Le cas de la femme de Beachy Head illustre une tension bien connue dans les sciences humaines. Peut-on vraiment déduire une origine ethnique à partir d’un crâne ? Longtemps, l’anthropologie a tenté de classifier les individus selon des critères morphologiques. Cependant, cette approche est aujourd’hui critiquée pour son manque de rigueur scientifique et ses biais culturels.
Par ailleurs, comme l’expliquent les chercheurs, les caractéristiques physiques varient en continu dans la population humaine. Les figer dans des catégories rigides, c’est plaquer des grilles dépassées sur une réalité bien plus fluide. À l’inverse, l’ADN permet de remonter les véritables origines génétiques, souvent très éloignées des apparences.
Un récit séduisant, mais erroné, qui révèle notre besoin de symboles historiques
Cette histoire nous dit quelque chose de profond sur notre époque. En effet, nous avons soif de récits qui résonnent, de figures historiques qui incarnent des luttes ou des valeurs contemporaines. Mais cette quête de sens peut parfois nous égarer. En voulant faire de cette femme un symbole, nous avons peut-être forcé l’interprétation.
Et si la véritable richesse était ailleurs ? Par exemple, dans le fait qu’une femme du IIIe siècle, vivant dans une province reculée de l’Empire romain, puisse encore aujourd’hui nous interroger, nous surprendre et bousculer nos certitudes. En conclusion, la science n’est pas là pour nous conforter dans ce que nous croyons. Elle est là pour questionner, affiner, nuancer.
Par Gabrielle Andriamanjatoson, le
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