Dans les profondeurs de la baie de Lübeck, près des côtes nord de l’Europe, dorment des tonnes de munitions immergées après la Seconde Guerre mondiale. Ce qu’on pensait être un désert marin s’est révélé un véritable refuge de biodiversité : les bombes rouillées hébergent aujourd’hui une vie foisonnante, dense et parfois même en voie de disparition.

Des milliers d’espèces ont colonisé les bombes immergées, créant un écosystème plus riche que les zones naturelles
Les chercheurs ont eu une surprise de taille lorsque leur submersible a transmis les premières images : là où ils s’attendaient à des carcasses muettes, ils ont découvert un monde vivant. Les armes immergées sont littéralement colonisées, transformées en habitats improvisés.
Étoiles de mer, crabes, poissons, moules… Ils se sont installés partout : dans les recoins des coques, sur les blocs de TNT, autour des détonateurs.
La densité atteint 40 000 animaux au mètre carré, contre 8 000 dans les zones voisines. Ce foisonnement biologique a de quoi surprendre. Alors que tout portait à croire que ces engins représentaient un danger mortel pour la vie marine, ils sont devenus, contre toute attente, des piliers d’un écosystème en pleine expansion.
Faute de rochers naturels, la faune marine utilise les vestiges métalliques comme nouvelle base vitale
La mer Baltique a vu disparaître ses rochers naturels, extraits pour des usages industriels. Privées de ces surfaces dures indispensables, les espèces locales se rabattent sur les structures artificielles.
Les munitions deviennent donc des refuges de substitution. Cela profite à des espèces rares ou en déclin, comme la morue de la Baltique, qui retrouve ici un point d’ancrage pour survivre.
Le nettoyage nécessaire des explosifs menace l’équilibre biologique qui s’y est installé
Ce tableau idyllique masque une réalité dangereuse : ces bombes contiennent toujours des charges actives et des produits toxiques. Leur corrosion les rend d’autant plus imprévisibles.
L’Allemagne a lancé une vaste opération de dépollution sous-marine. Mais en retirant les munitions, on risque aussi d’effacer les habitats marins qui s’y sont développés.
Certains chercheurs proposent une solution intermédiaire : remplacer les explosifs par des structures artificielles non dangereuses. Cela permettrait de sécuriser la zone tout en préservant la biodiversité qu’elle accueille aujourd’hui.
Ce sanctuaire né d’un drame pose une question : comment concilier sécurité humaine et préservation d’une biodiversité inattendue ?
Cette histoire illustre la résilience spectaculaire du vivant, capable de transformer des déchets de guerre en zones de vie foisonnantes. Comme les épaves ou les plateformes, les bombes deviennent des récifs accidentels.
Mais cette biodiversité née du chaos pose une question : faut-il tout retirer pour sécuriser les fonds marins, ou préserver ces microcosmes ? Les scientifiques suggèrent une solution hybride : remplacer les explosifs par des structures sûres.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Étiquettes: Écosystème marin artificiel, Bombes Seconde Guerre mondiale, Biodiversité Baltique, Pollution marine et résilience
Catégories: Actualités, Animaux & Végétaux