Sous nos routes modernes se cache encore l’ombre des « vias » romaines. Des équipes d’archéologues et d’historiens européens ont révélé, grâce à Itiner-e, une carte interactive inédite, près de 300 000 km de routes antiques — soit deux fois plus que les estimations précédentes. Ce travail monumental redessine l’histoire de l’Empire romain et offre une nouvelle façon d’en appréhender l’organisation.

Un réseau routier antique dévoilé par quatre années de recherche croisée entre archives et satellite
Piloté par l’archéologue Tom Brughmans (université d’Aarhus), le projet Itiner-e regroupe 16 institutions européennes. L’équipe a reconstruit le réseau routier de l’Empire vers 150 apr. J.-C. à partir de sources historiques (Itinéraire d’Antonin, Table de Peutinger) croisées avec des technologies modernes : images satellites, photographies aériennes, cartes topographiques anciennes, outils SIG.
Les chercheurs ont géoréférencé chaque segment de route, documenté sa longueur et son degré de certitude. Seuls 2,7 % des trajets disposent d’une attestation formelle, le reste résulte d’un travail d’interprétation rigoureux.
Des autoroutes antiques aux sentiers ruraux : un héritage réel dans nos paysages modernes
Les routes répertoriées s’étendent sur 40 pays modernes, des Highlands d’Écosse aux sables d’Arabie, en passant par les Alpes, les Balkans ou le Maghreb. Le projet met en valeur aussi bien les grandes voies militaires que les chemins secondaires, longtemps négligés.
En Grande-Bretagne, une étude récente a confirmé que les Britanniques ont continué d’utiliser plusieurs axes romains jusqu’au Moyen Âge. L’équipe d’Itiner-e a même identifié des tracés enfouis sous des lacs artificiels ou effacés dans des zones désertiques.
La plateforme montre aussi que, contrairement au célèbre adage, tous les chemins ne menaient pas à Rome. La ville, située à l’écart des grands carrefours nord-italiens, jouait un rôle secondaire dans le réseau terrestre. Elle ne retrouvait sa centralité qu’en combinant les routes maritimes et fluviales.
Une base de données libre et collaborative pour repenser la géographie antique
La carte Itiner-e est en accès libre. Elle propose 14 769 segments de route dotés d’identifiants uniques, de métadonnées (longueur, sources, altitude, niveau de certitude) que les utilisateurs peuvent télécharger ou enrichir.
Pour les chercheurs, elle constitue une ressource vivante. « 300 000 km, ce n’est que la partie visible de l’iceberg », déclare Brughmans à ScienceAlert. L’équipe espère que d’autres universités, archéologues amateurs ou fouilles futures viendront compléter ce réseau invisible mais fondamental.
Cet outil fascinant s’adresse autant aux passionnés d’histoire qu’aux curieux. Il permet de comprendre comment les routes ont façonné les empires, les échanges et les cultures, hier comme aujourd’hui.
Par Eric Rafidiarimanana, le
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