Et si une simple cellule de peau suffisait à réaliser le rêve de la parentalité biologique ? C’est le pari (presque) réussi de chercheurs américains, qui ont fabriqué des ovules humains viables en laboratoire. Une avancée technique majeure, porteuse d’espoir mais aussi de questions éthiques vertigineuses. On vous explique comment la science vient de redessiner les frontières de la reproduction.

D’une cellule de peau à un ovule fonctionnel : un exploit biologique inspiré du clonage
Tout d’abord, des chercheurs de l’Oregon Health & Science University ont relevé un défi fou. Ils ont transformé une cellule de peau en un ovule. Pour y arriver, ils ont repris une technique vieille de plus de 25 ans : le transfert nucléaire, la même qui avait permis le clonage de la brebis Dolly. Ils retirent le noyau d’un ovocyte, puis y insèrent celui d’une cellule cutanée. Le nouvel ovule contient donc l’ADN du donneur.
Cependant, il y a un souci : une cellule de peau possède 46 chromosomes, un ovule n’en a que 23. Pour corriger cela, ils ont créé une technique appelée mitomeiosis. Elle combine un médicament, la roscovitine, et une impulsion électrique. Le but ? Forcer la cellule à simuler une division réduite, comme dans la méiose. Ainsi, l’ovule perd la moitié de ses chromosomes. Et devient théoriquement capable d’être fécondé.
Des embryons créés mais non viables : les limites techniques actuelles
Ensuite, les chercheurs ont créé 82 ovules artificiels. Parmi eux, 9 % ont atteint le stade de blastocyste, cette boule de cellules prête à être implantée. Mais aucun embryon n’était normal. Tous présentaient des erreurs dans leurs chromosomes. On appelle cela une aneuploïdie. Le nombre de chromosomes n’était pas bon, ou leur répartition posait problème.
En conséquence, Paula Amato, l’une des chercheuses, insiste : sans 23 chromosomes bien répartis, un embryon ne peut pas se développer. De plus, la technique n’arrive pas à recréer la recombinaison génétique. C’est un mécanisme essentiel pour mélanger l’ADN. Dans la nature, peu d’embryons atteignent ce stade. Mais ici, le taux de réussite reste trop bas pour envisager une application médicale.
Une nouvelle voie de parentalité pour les personnes exclues des techniques classiques
Dans un avenir proche, cette méthode pourrait tout changer. Certaines femmes n’ont plus d’ovules, à cause de l’âge ou d’un traitement lourd. Actuellement, elles doivent utiliser des ovules de donneuses. Cela exclut tout lien génétique avec l’enfant. Si la technique s’améliore, elles pourraient fabriquer leurs propres ovules à partir d’une simple cellule de peau.
Mais ce n’est pas tout. Autre scénario : deux hommes qui veulent un enfant avec un lien génétique des deux côtés. En théorie, l’un pourrait fournir une cellule de peau transformée en ovule. Et l’autre, le sperme. Le concept est encore lointain, car il heurte plusieurs limites biologiques. Mais il remet en question notre vision de la parentalité.
Repenser les frontières de la reproduction : un débat éthique incontournable
Enfin, cette avancée soulève déjà des questions éthiques. Elle brouille les lignes entre cellules reproductrices et cellules classiques. Dans certains pays, comme l’Australie, ce type de manipulation pourrait être interdit. Tout dépend de l’interprétation juridique.
Pour cette raison, des experts comme Evie Kendal ou Roger Sturmey demandent un encadrement clair. La science doit avancer avec transparence. Il faut aussi débattre collectivement : chercheurs, citoyens, médecins, juristes. Et surtout, anticiper ce que cela signifie pour les familles du futur.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Sciences humaines