Aller au contenu principal

Le concept des « villes de 15 minutes » est-il réalisable ?

Cette approche promet de réinventer les espaces urbains pour les rendre plus résistants et plus inclusifs, tout en améliorant la qualité de vie des habitants

Ville 15 Minutes

À quoi ressemblerait votre ville idéale ? Certains chercheurs ont des idées audacieuses qui pourraient transformer notre manière de vivre. Dans un contexte où l’urbanisme est plus crucial que jamais, les villes sont confrontées à des défis croissants liés à leur taille et leur complexité, ce qui tend à accentuer les inégalités sociales et économiques au lieu de les réduire. Une solution prometteuse, appelée « ville de 15 minutes », pourrait révolutionner l’organisation urbaine et améliorer considérablement la qualité de vie des habitants. 

Qu’est-ce qu’une ville de 15 minutes ?

Le concept de ville de 15 minutes repose sur une idée simple mais puissante : tous les services et commodités essentiels, tels que les écoles, les hôpitaux, les supermarchés, les parcs et autres espaces publics, doivent être accessibles à pied ou à vélo en moins de 15 minutes à partir de n’importe quel domicile. En réduisant la dépendance à l’égard des voitures, cette approche vise à diminuer les émissions de carbone, à renforcer les communautés locales et à offrir une meilleure qualité de vie.

Les quartiers ainsi conçus seraient autosuffisants et réduiraient les temps de trajet, favorisant une ville plus verte et plus conviviale. Mais cette approche peut-elle réellement fonctionner dans le monde entier ? Des chercheurs, dont Matteo Bruno, ont mené des études pour évaluer sa faisabilité et ses implications pour différents types de villes. Les résultats sont publiés dans Nature Cities.

La base du modèle des villes de 15 minutes est de s’assurer que les services quotidiens sont à proximité des habitants. Cela inclut les établissements scolaires, les centres de soins, les supermarchés, ainsi que des espaces pour les loisirs et les activités en plein air. Si ces services sont accessibles à pied ou à vélo, les citoyens sont moins dépendants des voitures. Cette idée a gagné en popularité pendant la pandémie de Covid-19, lorsque les fermetures de nombreuses villes ont souligné l’importance des quartiers locaux.

Des villes comme Paris, Milan et Barcelone ont commencé à mettre en œuvre cette idée, et des résultats concrets sont visibles. Selon les recherches, dans plusieurs métropoles européennes, une grande partie de la population bénéficie déjà d’un accès rapide à la majorité des services essentiels. En revanche, certaines villes, notamment aux États-Unis (comme Atlanta ou Dallas), sont beaucoup plus dépendantes de la voiture et montrent des lacunes importantes dans l’accessibilité.

Inégalités d’accessibilité

Pour évaluer la proximité des services dans une ville, les chercheurs ont développé un indicateur appelé « temps de proximité », qui mesure le temps nécessaire pour accéder aux services essentiels. Ils ont ensuite comparé les villes en fonction de la proportion de la population vivant à moins de 15 minutes de ces services, un paramètre qu’ils appellent F15.

Leurs résultats révèlent que dans de nombreuses villes européennes, une large part de la population bénéficie déjà d’un haut niveau d’accessibilité. Cependant, dans les villes plus dépendantes de la voiture, les disparités sont plus marquées.

Les chercheurs ont également mis en évidence des inégalités majeures au sein même des villes. Les centres-villes sont souvent bien desservis en services essentiels, mais ce n’est pas toujours le cas des zones périphériques. Cela crée des disparités qui renforcent les inégalités économiques et sociales. Les scientifiques ont découvert une très bonne correspondance entre leurs résultats et l’indice d’inégalité, ou coefficient de Gini. Les villes qui sont proches d’une configuration de 15 minutes tendent à être plus égalitaires, tandis que celles qui présentent des lacunes en matière d’accessibilité montrent de plus fortes inégalités. 

Mesurer la proximité avec des algorithmes

Quantifier le niveau d’accessibilité d’une ville n’est pas une tâche simple. Bruno et son équipe ont classé les services essentiels en neuf catégories, telles que les activités en plein air, l’éducation, la santé, l’approvisionnement en nourriture et les services culturels. Grâce à un algorithme qu’ils ont développé, ils ont pu analyser la répartition des services dans environ 10 000 villes à travers le monde.

Cet algorithme optimise la distribution des services sans nécessairement créer de nouvelles infrastructures. Il se concentre plutôt sur la redistribution des points d’intérêt existants, comme les écoles ou les hôpitaux, pour mieux répondre aux besoins de la population. Par exemple, dans des villes comme Atlanta, où la majorité des services sont concentrés dans le centre, l’algorithme a suggéré que plus de 70 % des points d’intérêt devraient être déplacés pour atteindre une accessibilité équilibrée. À l’inverse, des villes comme Zurich ou Lisbonne, avec une répartition plus homogène des services, nécessitent moins de modifications.

Les limites géographiques du modèle

Cependant, il est essentiel de reconnaître que toutes les villes ne peuvent pas facilement devenir des villes de 15 minutes, surtout celles qui sont étalées sur de grandes surfaces avec une faible densité de population. Ces zones suburbaines, où les services sont plus éloignés et les habitants fortement dépendants des voitures, présentent des défis spécifiques pour appliquer ce modèle.

Même avec une redistribution optimisée des services, il peut être difficile pour ces villes de garantir un accès à 15 minutes à tous les services essentiels. L’étude suggère que dans ces cas, d’autres stratégies, comme un meilleur réseau de transports publics, doivent être développées pour connecter les habitants aux services.

Plutôt que de rejeter le concept, les chercheurs proposent une vision plus nuancée. Ils suggèrent que le modèle de la ville de 15 minutes devrait être adapté en fonction des spécificités locales, comme la densité de population et la topographie urbaine. Par exemple, tous les quartiers n’ont pas besoin d’avoir accès à tous les types de services dans un rayon de 15 minutes. Les services essentiels, tels que les soins de santé et l’éducation, doivent être priorisés, tandis que les autres, comme les lieux de divertissement ou les services spécialisés, peuvent être situés plus loin et accessibles via des transports publics efficaces. Par ailleurs, les grandes villes et le cancer présentent des similitudes inattendues.

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: ZME Science

Étiquettes:

Catégories: ,

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *