Un peuple qui oublie son passé n’a pas d’avenir selon Winston Churchill. L’ancien Premier ministre du Royaume-Uni avait tout bonnement conscience de la nécessité du devoir de mémoire. Pourtant, au fur et à mesure des années, les événements d’août 1944 semblent être trop souvent délaissés par le peuple français. Le massacre perpétré à Maillé, le même jour que la libération de Paris, a incontestablement marqué d’une période sombre l’histoire française.
L’évènement déclencheur du massacre
Chronologiquement, la nuit du 24 août 1944, deux véhicules légers de la troupe allemande entrent en collision avec un groupe de résistants composé de huit maquisards. Au cours de l’attaque, la partie des allemands déplore une victime et un blessé. A noter que cette embuscade est grandement liée au comportement hostile des habitants de Maillé. Oppressés pendant près de quatre longues années, les habitants résistants comptent reprendre leur affranchissement face aux exactions de l’occupant allemand. Le sous-lieutenant Gustav Schlüter fut le responsable de Sainte-Maure-de-Touraine, qui figurait parmi les cibles de l’embuscade en question, nous rapporte franceinfo.
Sans tarder, l’officier Schlüter décide de rapporter les faits à son supérieur et Feldkommandant de Tours, le lieutenant-colonel Stenger. Le sous-lieutenant Schlüter demande l’accord de riposter et il obtient très rapidement la permission de répliquer. La réponse des Allemands ne s’est pas fait attendre. Les habitants du sud de l’Indre-et-Loire ne se doutent absolument pas du drame qui se prépare. Dans la matinée du 25 août 1944, un train se fait bombarder par une escadrille. Le bourg est vite encerclé par l’occupant en partant du nord. La scène dans les fermes au sud-ouest est épouvantable.
Plus d’une cinquantaine de soldats tirent de sang-froid sur tous ceux qu’ils croisent sur leur chemin. Une tuerie d’hommes, de femmes, d’animaux ainsi que d’enfants longe la ville. Les actions se poursuivent par l’incendie des maisons et des bâtiments. Une fois le bourg en feu, les troupes se retirent. Des sentinelles empêchent les habitants de quitter les lieux et de prendre la fuite, sous peine de se faire tirer dessus. Dans les heures qui ont suivi, un canon de DCA a été déployé. Plus de 80 obus sont tirés, avant de laisser le village complètement détruit.
Les pertes sont lourdes. Les dégâts matériaux sont moins conséquents. En revanche, le bilan dénombre plus de 124 victimes dont une quarantaine d’enfants. Près d’un quart de la population y a laissé sa vie sur les 500 habitants.
Une affaire pas complètement résolue
Les questions autour de cette affaire font toujours l’objet d’une recherche, surtout pour les historiens. Les faits relatés sont bien réels. Cependant, des doutes planent sur l’orchestration et les réelles intentions d’un tel massacre. Ces actes de violences excessives sont définis comme un crime de guerre. Le 27 août 1944, le préfet de l’Indre-et-Loire convoque le lieutenant-colonel Stenger. Le Feldkommandant de Tours confesse avoir donné la permission à ses hommes de se venger, mais il souligne obstinément que ces derniers auraient outrepassé ses directives. Par ailleurs, seul le sous-lieutenant Schlüter en paiera les frais car il sera condamné par contumace par la justice française en 1952. Cependant, les interrogations portent sur : comment un seul homme, du rang de sous-lieutenant, aurait pu mobiliser plus d’une centaine d’hommes et de telles armes pour bombarder le village ? A-t-il été nécessaire de déployer de tels moyens alors que l’occupant se préparait déjà à quitter le territoire d’Indre-et-Loire ? Et à quelle unité appartiennent les soldats qui se sont emparés du village de Maillé ?
Des suppositions ont été formulées en guise de réponses. Par ailleurs, les historiens Peter Lieb et Ulrich Maass, chargé d’une unité spécialisée contre la traque d’anciens nazis, sont persuadés que les combattants de l’unité du Feldersatzbataillon de la 17° division d’infanterie motorisée de la Waffen SS sont les responsables du massacre. Tandis que les principales causes de l’intensité de la violence portent sur l’intérêt majeur de l’Allemagne à sécuriser les régions pour garantir leur extraction.
La commémoration du 25 août 1944 est un moyen de lutter contre l’oubli du massacre de Maillé. Depuis près de soixante-dix-huit ans, cet évènement permet de fonder et de justifier les liens de la communauté. Mais il permet également d’éviter que l’histoire tombe dans l’oubli.
Le mouvement de sauvegarde pour conserver les traces historiques du village de Maillé a mené à la fondation de deux entités qui mettent leurs services au profit de son histoire. On distingue l’association « Pour le souvenir de Maillé » créée en 1994, et la Maison du Souvenir qui a ouvert ses portes en 2006. Commémorer est essentiel surtout pour combattre le négationnisme qui prend de plus en plus d’ampleur en Europe, selon l’historien Eric Alary.
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