Les scientifiques ont récemment observé une anomalie intrigante dans l’atmosphère de Vénus : une augmentation significative du rapport deutérium/hydrogène. À première vue, cela peut sembler anodin, mais les implications de cette découverte sont potentiellement révolutionnaires pour notre compréhension de la planète. Ces nouvelles données pourraient remettre en question l’idée que Vénus est une planète stérile et inhospitalière.
La ressemblance trompeuse de Vénus avec la Terre
Hiroki Karyu, chercheur à l’université de Tohoku et co-auteur de l’étude, souligne : « Vénus est souvent considérée comme la jumelle de la Terre en raison de sa taille similaire. Cependant, malgré leurs similitudes, ces deux planètes ont évolué de manière très différente. » En effet, contrairement à la Terre, Vénus est soumise à des conditions de surface extrêmes, avec des températures et des pressions bien au-delà de ce que la vie telle que nous la connaissons pourrait supporter.
Sous l’épaisse atmosphère de Vénus, l’eau liquide est presque absente, avec des quantités d’eau jusqu’à 150 000 fois inférieures à celles présentes sur Terre. Pourtant, ces conditions extrêmes n’ont peut-être pas toujours été la norme sur cette planète. Le deutérium et l’hydrogène sont des isotopes, c’est-à-dire des variantes du même élément chimique. La différence entre eux réside dans le nombre de neutrons présents dans leur noyau, ce qui leur confère des masses atomiques distinctes tout en conservant des propriétés chimiques similaires.
Les rapports isotopiques sont des outils puissants pour déchiffrer l’histoire d’une planète. Un exemple courant est la datation au carbone, qui utilise les proportions relatives de carbone 12 et carbone 14 pour déterminer l’âge des matériaux organiques. De manière similaire, l’analyse des rapports deutérium/hydrogène (D/H) sur Vénus offre des indices cruciaux sur l’évolution de son atmosphère.
On pense généralement que Vénus et la Terre avaient autrefois des rapports isotopiques HDO/H2O similaires, les deux planètes ayant évolué dans une région chaude du Système solaire primitif. Cette hypothèse est corroborée par des niveaux similaires d’autres éléments volatils, tels que le carbone et l’azote, sur les deux planètes.
Révélation des données de Venus Express
Les chercheurs ont analysé les données recueillies par l’instrument SOIR (Solar Occultation in the Infrared) de la sonde Venus Express, en mission entre 2006 et 2014. Les résultats montrent un enrichissement spectaculaire du rapport HDO/H2O dans l’atmosphère vénusienne, désormais 120 fois plus élevé que sur Terre. Cet enrichissement est principalement attribué à la dissociation des molécules d’eau sous l’effet du rayonnement solaire, avec l’hydrogène s’échappant plus facilement dans l’espace en raison de sa masse inférieure.
L’étude révèle également une augmentation de la concentration de molécules d’eau (H2O et HDO) avec l’altitude, entre 70 et 110 kilomètres au-dessus de la surface de Vénus. À ces altitudes, le rapport HDO/H2O atteint des niveaux 1 500 fois supérieurs à ceux observés dans les océans terrestres. Ces observations mettent en lumière des différences significatives entre les processus atmosphériques de Vénus et ceux de la Terre.
Les chercheurs supposent que ces variations sont influencées par des processus climatiques impliquant des aérosols d’acide sulfurique (H2SO4), qui forment la majorité des nuages vénusiens. Ces aérosols se forment à des altitudes où les températures descendent en dessous du point de rosée de l’eau sulfurée, provoquant la formation d’aérosols enrichis en deutérium. Ces particules montent ensuite vers des altitudes plus élevées, où elles s’évaporent en libérant une proportion plus importante de HDO par rapport à H2O, avant que la vapeur ne redescende, relançant ainsi le cycle.
Implications pour la compréhension de Vénus
Cette découverte a des répercussions majeures sur notre compréhension de Vénus. Tout d’abord, les scientifiques estiment que les futures études devront prendre en compte l’évolution du rapport deutérium/hydrogène en fonction de l’altitude pour estimer avec précision les quantités totales de ces gaz dans l’atmosphère vénusienne. De plus, cette évolution influe sur la vitesse à laquelle l’hydrogène et le deutérium s’échappent dans l’espace, avec une évasion de deutérium beaucoup plus importante que prévu à haute altitude.
Ces éléments suggèrent que pour retracer l’histoire de l’atmosphère de Vénus et déterminer la quantité d’eau qu’elle a perdue au fil du temps, il sera nécessaire d’élaborer des modèles plus sophistiqués intégrant ces variations altitudinales. Par ailleurs, des images troublantes ont été capturées sur Vénus.