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En Ukraine, témoignages et enquêtes dénoncent l’utilisation du viol comme arme de guerre

"Des enfants ont été violés sous les yeux de leurs parents"

― Marko Subotin / Shutterstock.com

Alors que l’armée russe a retiré ses forces de la région de Kyiv, en Ukraine, pour « concentrer ses efforts » sur le Donbass, dans l’est du pays, les images des massacres et exactions contre les civils à Boutcha continuent de choquer l’opinion internationale. Une indignation qui va s’accentuer, alors que témoignages et rapports d’ONG et d’autorités commencent à faire état de viols commis par des soldats russes sur des femmes et des enfants ukrainiens. Présents dans toutes les guerres, les « viols de guerre », systémiques et systématiques, constituent des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité. Des enquêtes sont déjà en cours, afin de déterminer la nature de ces crimes.

Le viol comme arme de guerre

Chaque guerre, au cours de l’histoire, amène son lot d’atrocités. En plus du « droit à tuer » qu’elle donne, elle s’accompagne, toujours, d’actes de torture, d’esclavage, de destructions et, bien sûr, de violences sexuelles. Loin d’être le fait de pulsions sexuelles, ces viols sont, le plus souvent, orchestrés par les dirigeants eux-mêmes, qui y voient un moyen d’asservir les populations. Comme le rappelle Stéphane Audoin-Rouzeau, historien de la Première Guerre mondiale et spécialiste du Rwanda, à L’Express, « les viols accompagnent toujours les autres crimes de guerre ». Ils ne résultent pas d’une « frustration sexuelle » ressentie par les soldats, « mais d’une arme utilisée sciemment afin d’abîmer psychologiquement une communauté et, qui plus est, de détruire son lien de filiation ».

Selon l’ONG We are NOT Weapons of War (Nous ne sommes pas des armes de guerre), « le viol de guerre constitue le crime parfait« . En effet, il est dévastateur non seulement pour les victimes, mais également pour leur communauté et leur famille. Les victimes subissent bien souvent le rejet, la misère, ces crimes pouvant mener à une escalade de la violence.

Pendant des millénaires, les violences sexuelles en temps de guerre ont souvent été vues comme une fatalité. Ce n’est qu’en 1992 que le Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies (CSNU) s’est penché sérieusement sur la question, avec les viols massifs et systémiques commis par les forces serbes contre les femmes bosniaques musulmanes – de véritables « camps de viols » ont alors été mis en place, où les femmes étaient parquées et violées jusqu’à ce qu’elles tombent enceintes. Cet épisode sombre a constitué, selon le CSNU, « un crime international qu’on ne pouvait ignorer ». Le viol a ensuite été inclus parmi les crimes contre l’humanité par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).

― Drop of Light / Shutterstock.com

Dents cassées, viols en réunion…

« Le viol est une arme d’humiliation et de terreur », comme l’explique la juriste et enquêtrice criminelle internationale Céline Bardet, au micro de Franceinfo. En Ukraine, des témoignages effroyables commencent à être entendus sur les exactions commises par l’armée russe. Elena (son prénom a été modifié), une femme de Zaporojie, a été désignée aux soldats russes, par des habitants, comme étant une « banderovka » – référence au dirigeant ultranationaliste ukrainien Stepan Bandera, qui collabora avec l’Allemagne nazie contre l’Union soviétique – épouse d’un militaire ukrainien. Deux soldats russes l’ont suivie jusque chez elle. « Sans un mot, ils m’ont poussée sur le lit, m’ont écrasée avec une mitraillette et déshabillée », relate-t-elle. « Ils ne parlaient presque pas, à part quelquefois pour me traiter de ‘banderovka’ ou se dire entre eux ‘à ton tour' », poursuit-elle. Aujourd’hui, Elena est toujours extrêmement traumatisée par son calvaire. « Je me dégoûte. Je n’ai plus envie de vivre », lâche-t-elle dans un sanglot.

Ce type de témoignage se multiplie dans les zones occupées par l’armée russe. Des ONG, comme Human Rights Watch (HRW), relatent les crimes de guerre perpétrés contre les civils. Comme ce témoignage d’Olha (prénom modifié), une femme de 31 ans de la région de Kharkiv, violée et molestée par un soldat russe, alors qu’elle s’était réfugiée avec sa famille et une quarantaine de villageois dans le sous-sol d’une école. Le soldat l’a amenée à l’écart, violée à plusieurs reprises, lacérée au cou et à la joue avec un couteau, avant de lui couper une partie des cheveux et de la frapper au visage avec un livre, puis de la gifler.

Des faits corroborés, parfois, par les soldats russes eux-mêmes, comme en témoigne cet enregistrement capté par les services de sécurité ukrainiens, entre un soldat russe et sa mère : « Dans un village voisin, près d’ici, des garçons ont violé une femme.
– Quelle horreur !
– Oui… Une adulte, et une femme de 16 ans. J’ai envie de fusiller ceux qui ont fait ça. Qu’ils aillent se faire foutre, je voudrais qu’ils rentrent chez eux dans un cercueil. »

Selon Kateryna Cherepakha, présidente de La Strada Ukraine, une ONG qui oeuvre pour les droits humains, « des enfants ont été violés sous les yeux de leurs parents ». L’organisation a déjà documenté quatre dossiers de viols, qui ne représentent selon elle que la partie émergée de l’iceberg.

― Gabriel Preda RO / Shutterstock.com

Des enquêtes ouvertes

La question qui se pose est celle de savoir si ces crimes sont le fait des soldats eux-mêmes, ou s’ils tirent leurs ordres de plus haut. Si c’est la dernière hypothèse qui prévaut, cela pourrait constituer de véritables crimes de guerre, voire de génocide. Selon la psychologue ukrainienne Kateryna Haliant, qui recueille chaque jour des témoignages de femmes victimes des violences des soldats russes, la question ne fait pas de doute. Les histoires de ses patientes se ressemblent toutes « comme si les Russes avaient planifié tout cela« . Elle évoque notamment des repérages effectués par les soldats russes, qui entrent dans les maisons le soir et tuent les hommes, mangent et se soûlent, avant de violer « les filles et les femmes. Même en présence d’enfants », avance-t-elle. Des violences sexuelles qui s’accompagnent de violences physiques : « Les jeunes filles que je prends en charge n’ont plus de dents : les Russes les leur ont cassées, en plus de les avoir violées. » Pour Céline Bardet, cet acte est « très symbolique, parce que c’est comme fermer leur bouche ».

Elle a bon espoir « que les victimes vont beaucoup plus parler parce qu’elles sont beaucoup plus sensibilisées ». La procureure générale d’Ukraine ainsi que la cour international des droits de l’homme ont annoncé des enquêtes.

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lydia aoustin
2 années

la guerre et une atrocité depuis toujours, les hommes soldats sont des lâches, des ordures, des faibles d’esprits, s’en prendre à des femmes et des enfants qui n’ont rien fait, rien demander, ils sont à tués sans se poser de questions, c’est L’HOMME qui fait la guerre pas la FEMME,… Lire la suite »

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