Le jeu vidéo rend-il les joueurs violents ? Voilà un débat sans fin qui fait rage depuis de nombreuses années de manière passionnée. Cependant certains s’interrogent vraiment sur la moralité des actions que nous effectuons dans les jeux vidéo. C’est le cas de Brian Tomasik, un philosophe s’intéressant à la notion de souffrance. SooGeek vous résume ses conclusions.  

 

Brian Tomasik est un philosophe consultant pour le Foundational Research Institute, un organisme explorant des pistes pour réduire la souffrance des êtres humains et des êtres vivants sensibles sur toute la planète. Brian Tomasik le rappelle lui-même, il y a bien assez de souffrances vécues sur Terre par des êtres de chair et de sang pour qu’on leur donne la priorité, mais l’évolution des jeux vidéo a soulevé la question de savoir si, oui ou non, nous devions accorder une importance au devenir des êtres de pixels que l’on tue à gogo. En effet selon lui, ces personnages non jouables ont atteint un stade où la différence avec un animal sensible n’est plus une question de nature mais de degré.

 

Super Mario Bros. ne représente pas un cas moral : 

 

Concrètement, cela signifie qu’un PNJ est encore beaucoup moins complexe qu’un insecte, mais que c’est dans ce degré de complexité que se situe la seule différence. Pourquoi l’insecte comme exemple ? Parce qu’il s’agit de l’un des types d’animaux les moins complexes sur Terre (beaucoup moins complexe que n’importe quel vertébré par exemple), et que même si l’on ne peut pas encore savoir avec certitude si les insectes ressentent de la douleur, on sait qu’ils ont un système nerveux complexe et qu’ils cherchent à se reproduire et surtout à se préserver le plus longtemps possible. Voilà un dernier trait essentiel que partagent certains PNJ.

 

Certains, pas tous, car beaucoup de choses que l’on peut affilier avec des personnages ou des animaux à l’écran, de par leurs habillages graphiques, ne partagent pas cette caractéristique. Les Goombas et tout le bestiaire de Super Mario Bros. par exemple ont une allure d’animaux ou de personnages, mais pour ce qui est de l’algorithme pur ils ne font que se déplacer et se faire écrabouiller sans broncher. Certes, cet écrabouillement peut déjà être considéré comme quelque chose d’immoral en ce que l’on produit une action violente. Mais la différence, d’un point de vue moral, est très nette par rapport à un PNJ qui cherchera à se défendre ou qui manifestera de la douleur lorsque le joueur l’attaque.

 

En revanche des jeux plus complexes pourraient poser des problèmes de moralité : 

 

Ainsi la question de la moralité devient réelle lorsque le personnage en question fait preuve de ce que l’on pourrait appeler une « conscience de la douleur » : lorsqu’il manifeste de diverses manières que les coup qu’on lui porte lui font mal, lorsqu’il apprend des coups qu’il a reçus en esquivant les suivants, etc. De plus, si ce personnage est programmé de telle sorte que ce qu’il reçoit et l’endommage le pousse à éviter d’en être à nouveau victime, on peut dire que, selon une certaine acceptation de celle-ci, il ressent de la douleur, même sous une forme basique. Or c’est là précisément que se trouverait, pour Brian Tomasik, l’immoralité de tuer des PNJ dans des jeux, lorsque ces derniers font état d’une capacité, même très simple, à « ressentir » la douleur.

 

Selon le paradigme philosophique utilisé par Tomasik, est considérée comme immorale toute action qui fait souffrir un être sensible, qu’il soit humain ou non (que cette « immoralité » soit quantifiable selon divers degrés n’est pas la question), car les effets de ces actions dommageables sont en soi négatifs pour les êtres qui en souffrent. Pour l’instant, le degré de complexité des PNJ cherchant à se défendre des attaques des joueurs reste très faible et ne pose pas directement un immense problème de moralité. Nous nous retrouvons encore et toujours pris en tenaille face à l’habillage graphique et scénaristique que revêtent ces algorithmes, et qui sont encore pour l’instant beaucoup plus importants lorsqu’il s’agit d’aborder la moralité des jeux vidéo.

 

Ces jeux posent des questions de morale beaucoup plus directes qu’on ne le pense : 

 

Toute cette réflexion est très intéressante. On se demande si la complexification progressive de l’intelligence artificielle des personnages non jouables va pousser les experts en éthique à se prononcer pour leur protection. Pensez-vous que l’on devrait accorder plus d’importance aux questions morales dans les jeux vidéo ?

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