Coca-Cola, PepsiCo et d’autres sociétés ont trouvé une alternative au sucre : la stévia. Cette plante pousse dans les hautes terres isolées du nord-est, à la frontière du Paraguay et du Brésil. Elle provient des terres guaranis, où elle a été utilisée pendant des siècles comme médicament cérémonial et édulcorant. C’est ainsi que ces grands groupes ont pu construire une industrie estimée à 492 millions de dollars par an

Malgré cette provenance, reconnue dans les documents de marketing, les Guaranis n’ont jamais été consultés ni indemnisés. Et à cause d’une sur-industrie, la plante est maintenant en danger d’extinction. Les Guaranis espèrent qu’une action en justice les aidera dans leur lutte.

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Une propriété « intellectuelle » indigène

Pour que les Guaranis puissent plaider leur cause, ils doivent affirmer que la stévia est bien leur propriété intellectuelle. Revendiquer une herbe sauvage semble étrange. Mais les coutumes de la tribu montrent clairement que tous les usages modernes de la stévia découlent de leurs connaissances traditionnelles. Selon les Guaranis, les usages de cette plante furent révélés aux chefs spirituels depuis des temps immémoriaux. Et puis, ce ne sont pas les scientifiques qui ont découvert la stévia et ses bienfaits, mais bien la tribu guarani.

Les Guaranis utilisent la stévia en médecine comme antiseptique, auxiliaire digestif, astringent et antiparasitaire, ou a des fins récréatives. Les Guaranis mâchent les feuilles comme une friandise et les utilisent pour adoucir le thé traditionnel de yerba mate, une boisson à base de plantes amère et pleine de caféine.

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Une découverte occidentale ?

Les Guaranis cultivent et utilisent la stévia depuis des siècles. Mais si vous parcourez les registres des brevets mondiaux, vous trouverez le nom de grands groupes qui ont « inventé » l’extrait de stévia. Un extrait maintenant utilisé dans le monde entier. Et il n’y a pas le nom d’un seul membre de la tribu guarani. À la place, vous trouverez des noms tels que Coca-Cola, PureCircle USA et HYET Sweet. Il aura fallu pourtant 300 ans aux Occidentaux pour reconnaître que la stévia est un substitut du sucre.

D’après certains membres de la tribu, le gouvernement paraguayen aurait aidé et encouragé le pillage de la stévia. Pire, en fermant les yeux sur les droits intellectuels des Guaranis, le gouvernement n’a pas réussi à capitaliser sur un secteur en pleine croissance. Bien que la stévia provienne de territoires appartenant aux Guaranis, la tribu ne participe aucunement à la culture commerciale de la plante. 

L’arrivée de produits à base de stévia

La stévia s’est répandue dans le monde entier au cours des années 1980. Après une interdiction de quatre ans au motif d’informations toxicologiques insuffisantes, la Food and Drug Administration des États-Unis l’a approuvée en tant que complément alimentaire en 1995. Des conditions similaires prévalaient dans ce pays et en Europe jusqu’au milieu des années 2000, lorsque les inquiétudes mondiales concernant les taux croissants de diabète et d’obésité se sont intensifiées. En 2008, la FDA a autorisé la stévia en tant qu’édulcorant. L’Union européenne a emboîté le pas en 2011.

En 2012, les produits à base de stévia se classaient au deuxième rang des substituts du sucre dans le monde. Espérant lutter contre les fortes baisses de la consommation de soude, les titans de boissons, dont Coca-Cola et PepsiCo, ont accouru en proposant des produits diététiques avec 100 % de stévia. Le premier, connu sous le nom de Coke Zero Stevia, a été lancé l’année dernière en édition limitée. Cette poussée a fait de la stévia un nom bien connu et a alimenté un boom économique. L’industrie rapporte que les revenus du projet stévia atteindront 801,7 millions de dollars d’ici 2026.

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Est-ce du biopiratage ?

Michael F. Brown est président de la School for Advanced Research de Santa Fe, au Nouveau-Mexique, et l’un des principaux experts mondiaux en appropriation culturelle. Il décrit la situation des Guaranis comme un cas classique de biopiratage. Les connaissances de la tribu guarani sont exploitées par des grands groupes qui en tirent maintenant un profit financier.

Bien que le biopiratage date de l’ère coloniale, le nombre de cas a considérablement augmenté tout au long du XXe siècle. Entre autres, depuis que la législation américaine a été modifiée. Depuis, elle permet de breveter de nouvelles variétés de plantes et étendre ces protections aux OGM. Le résultat final est que de riches sociétés tirent profit des connaissances acquises par les communautés autochtones.

Brown décrit le cas de la stévia comme un biopiratage flagrant. Et c’est l’instauration, au cours des dernières décennies, de la biopiraterie dans des codes juridiques qui a donné aux Guaranis et à leurs défenseurs l’espoir qu’un procès pourrait aboutir.

Mais le Paraguay n’agit pas. Sauf nouvelle législation, les Guaranis sont impuissants fasse à la destruction de leurs terres.

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