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Un océan de magma primordial pourrait encore influencer la Terre aujourd’hui

Cette découverte pourrait expliquer certaines anomalies mystérieuses détectées dans le manteau terrestre

planete magma
— © NASA / JPL-Caltech

Aux premiers instants de la Terre, il y a plus de 4,5 milliards d’années, notre planète était un véritable enfer bouillonnant. Une nouvelle étude parue dans la revue Nature révèle qu’un immense océan de magma, enfoui à la frontière entre le noyau et le manteau terrestres, aurait vu le jour à cette époque. Bien plus qu’une curiosité géologique, ce réservoir de roche en fusion pourrait encore influencer la dynamique interne de notre planète aujourd’hui.

Des anomalies sismiques

Selon les chercheurs, ce phénomène n’aurait pas été un simple épisode transitoire de la jeunesse de la Terre, mais une conséquence inévitable de sa formation. Et certains indices suggèrent même que des fragments de cet océan souterrain de lave pourraient subsister sous nos pieds, dissimulés au cœur du manteau profond.

Depuis plusieurs années, les scientifiques observent des zones mystérieuses dans le manteau terrestre, appelées provinces à faible vitesse de cisaillement (ou LLVP pour Large Low Shear Velocity Provinces). Dans ces régions, les ondes sismiques se déplacent plus lentement qu’ailleurs, ce qui suggère une composition ou une température différente.

Deux grandes hypothèses s’affrontaient pour expliquer leur origine. Pour certains, ces structures seraient des morceaux de croûte océanique engloutis dans les profondeurs par la subduction, ce qui les daterait de quelques centaines de millions d’années seulement. D’autres chercheurs, comme l’auteur principal de l’étude, Charles-Édouard Boukaré, physicien planétaire à l’université York de Toronto, soutiennent une vision plus audacieuse : ces « blobs » seraient les restes d’un océan de magma formé aux origines de la Terre, il y a plus de 4,4 milliards d’années.

Terre Magma
© Sanne.cottaar / Wikimedia Commons

Une reconstitution des premiers instants de la planète

Pour trancher, l’équipe de Boukaré a conçu un nouveau modèle de formation terrestre, croisant des données géochimiques et sismiques. Ce modèle se concentre non sur la toute première fusion planétaire, mais sur une période un peu plus tardive, lorsque le manteau a commencé à se solidifier et à prendre une consistance plus rigide.

Le modèle part d’un constat simple : là où la cristallisation de la Terre a commencé (à la surface, au centre ou entre les deux), un océan de magma s’est formé au fond du manteau. L’idée selon laquelle la planète se serait solidifiée « par le bas » n’exclut pas la présence de cette couche fondue près du noyau. En réalité, la densité des matériaux et leur comportement chimique rendent cette formation presque inévitable.

Au départ, une croûte solide se serait formée en surface, mais ces solides, plus denses que les roches liquides en dessous, auraient coulé et refondu. À mesure que le refroidissement progressait, des cristaux riches en oxyde de fer (un composé lourd à faible point de fusion) se seraient formés plus profondément. En s’accumulant dans le manteau inférieur, ces matériaux auraient fini par fondre à nouveau en raison de la chaleur intense du noyau terrestre. Mais, contrairement aux liquides plus légers qui ont tendance à remonter, cette lave chargée de fer serait restée piégée dans les profondeurs. Ce phénomène aurait ainsi donné naissance à une couche persistante de magma, une mer ardente enchâssée à la base du manteau.

Une présence encore active aujourd’hui ?

Les simulations informatiques des chercheurs ont montré que cet océan basal se formait dans toutes les configurations testées, même les moins favorables. Il semble donc que cette structure soit une composante fondamentale de l’évolution géologique terrestre.

Si cette hypothèse est correcte, cela signifie que la Terre conserve en elle une « mémoire thermique » très ancienne, qui pourrait encore influencer la circulation de la chaleur entre le noyau et le manteau, voire déterminer la position des plaques tectoniques en surface. Autrement dit, les mouvements de continents, les tremblements de terre ou encore le volcanisme pourraient avoir des racines bien plus profondes et plus anciennes qu’on ne le pensait.

« Ce que nous voyons aujourd’hui en surface pourrait avoir été dicté par des événements survenus dans les tout premiers instants de la planète », résume Charles-Édouard Boukaré.

En affinant leur modèle, les chercheurs espèrent l’appliquer à d’autres planètes telluriques comme Mars. Si ces océans de magma basal sont un passage obligé dans l’histoire des planètes rocheuses, cela pourrait radicalement changer notre compréhension de leur évolution. Boukaré projette d’intégrer de nouveaux oligo-éléments dans ses simulations pour affiner les prédictions. Ces éléments traces, qui préfèrent rester dans les roches fondues plutôt que cristalliser, permettent d’établir l’ordre de solidification des couches internes de la planète. Par ailleurs, quelle est la différence entre la lave et le magma ?

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: Live Science

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