L’analyse d’un nid de termites fossilisé vieux de 25 millions d’années a révélé une pratique étonnante chez ces derniers : la culture. En effet, l’étude de ce nid a permis de dégager l’existence d’une structure complexe caractéristique d’une ferme. Par ailleurs, c’est un certain type de champignon qui jonchait le sol, celui-là ne poussant que lorsqu’il est cultivé.
C’est perchées sur les falaises du sud-ouest de la Tanzanie que ces fermes de termites fossilisées ont été découvertes. Loin d’être négligeables, celles-ci constitueraient pour le monde scientifique la plus ancienne trace jamais enregistrée de culture et donc, la plus ancienne preuve matérielle de l’agriculture sur terre.
Bien avant les prouesses et les constructions de l’Homo sapiens, les termites auraient ainsi cultivé leur propre jardin de champignons, avec lesquels ces derniers entretiennent une relation symbiotique. C’est dire que ces deux espèces ne peuvent exister l’une sans l’autre et se soutiennent respectivement dans leur évolution ; on dit ainsi qu’elles co-évoluent ou encore que leur évolution est couplée.
La relation symbiotique chez les termites et cette espèce de champignon procède comme suit : les termites mâchent un matériel végétal qu’ils ne peuvent initialement ingérer pour former de petits granulés – des mylosphères – qu’ils sèment dans la terre et qui s’associent ensuite à des spores pour permettre la croissance des champignons. Une fois arrivés à maturité, les champignons contribuent à décomposer les enzymes contenues dans le matériel végétal, devenu dès lors assimilable par les termites.
Dans cette vidéo (contenu en anglais), vous pouvez en apprendre plus sur la façon de cultiver des termites :
Pour Nancy Stevens, paléontologue exerçant à l’université de l’Ohio, 90 % des bois secs des écosystèmes des savanes semi-arides se décomposent de cette façon. La découverte et l’analyse de multiples fossiles semblables en Afrique du Sud permettent de dater l’origine de cette relation à plus de 30 millions d’années ! Des analyses génétiques avaient en outre auparavant déjà permis d’estimer scientifiquement cette relation vieille de plus de 25 millions d’années.
Les chercheurs Eric Roberts, Sydney Hemming, Patrick O’Connor, Nancy Stevens et Tobin Hieronymus, étudiant l’histoire du rift est-africain au sein de la National Science Foundation grant, ont de plus permis de mettre en évidence, par l’étude des couches géologiques du bassin de Rukwa, que le climat de cet environnement il y a 25 millions d’années – date des fossiles retrouvés – était bien plus sec que celui qu’on lui connait aujourd’hui et que l’activité tectonique était bien plus intense. Au regard de ces bouleversements géologiques intenses, comment les termites ont-ils pu s’adapter et continuer à évoluer ?
Pour Roberts, c’est précisément cette relation symbiotique avec les champignons, et leur mise en culture, qui aurait été salvatrice pour les termites. L’agriculture leur aurait ainsi permis de s’adapter à un environnement en rapide évolution, passant de forêts humides et luxuriantes à des prairies sèches.
Cette stratégie adaptative, liée à la culture animale, nous permet ainsi de questionner « l’exception » de l’espèce humaine, celle-ci longtemps considérée comme la seule capable de culture, mais aussi de moralité ou d’émotions. Si le sujet vous intéresse, voilà de quoi remettre en cause les barrières trop vite érigées entre le règne humain et animal.
Par Sophia Manini, le
Source: washingtonpost
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