La technologie CRIPSR, utilisée pour la première fois en 2012, est prometteuse : elle peut découper, modifier ou remplacer, au cœur du génome des organismes, des séquences d’ADN. Jusqu’ici, le découpage de séquences était très efficace, mais leur remplacement n’avait pas montré une grande fiabilité. Mais une nouvelle technique d’utilisation du CRISPR garantirait une grande précision, et pourrait changer la donne dans le traitement des maladies génétiques.

Le CRISPR, une révolution à maîtriser

C’est en 2012 que la technologie a été, pour la première fois, utilisée avec succès : depuis, des milliers de publications scientifiques ont mentionné ou utilisé la technique. Parce qu’elle est applicable sur toutes les formes d’ADN, elle peut théoriquement être utilisée dans de nombreux domaines : la médecine pour les problématiques génétiques, l’agroalimentaire pour des cultures modifiées, la chimie pour des biomatériaux… 

Cette vidéo produite par Ted-Ed explique clairement les implications du processus CRISPR, à l’origine naturel (des sous-titres français sont disponibles).

Cependant, si la technologie a été jusqu’ici idéale pour isoler les gènes précisément au sein du génome, les remplacer est toujours resté compliqué. Ou plutôt, imprévisible. En 2016, une expérience conduite par des chercheurs de Columbia, Stanford et l’université de l’Iowa, visant à guérir la cécité des souris par la technologie CRIPSR, a eu des conséquences inattendues. Si deux souris auraient montré des signes positifs de guérison, plus de 2 000 mutations auraient été à noter lors d’un nouveau séquençage de contrôle, un an après.

Ce résultat est à tempérer, car l’appel des médecins à la revue Nature Methods rapportant ces mutations génétiques, a été supprimé devant la mise en doute de leur processus de vérification. La réponse médiatique à ces dangers du CRIPSR, suite à ce papier, fut bien entendu virulente : la presse spécialisée s’est emballée sur les risques de la technologie, sur son côté anti-naturel, incontrôlable, etc. Mais les chercheurs savent que la technologie implique des mutations génétiques, le réel enjeu est de savoir lesquelles, afin de mieux les anticiper, les contrôler et les éviter — voyez aussi ce papier de Wired, en anglais, sur l’enjeu qui n’est pas d’approuver ou désavouer la technologie, mais de la comprendre pleinement, ou ce post d’un commentateur indépendant.

Un nouveau procédé qui permet de rêver

Les chercheurs n’ont depuis pas cessé de tenter d’améliorer le procédé. Une nouvelle étude, publiée dans Nature, annonce pour la première fois un nouveau système CRISPR qui pourrait altérer le génome facilement — additions, suppressions et remplacements de n’importe quelle lettre du génome — sans jamais endommager l’ADN.

Ce qui serait une avancée considérable que le laboratoire de David Liu, chimiste au Broad Institute — un institut de recherche indépendant rassemblant des chercheurs de plusieurs grandes universités américaines, comme le MIT, Cambridge et Harvard — appelle « prime editing », ou « séquençage premium » si l’on s’acharne à traduire le mot en français. Cette technologie de prime editing pourrait, selon les calculs de Liu, corriger autour de 89 % des mutations causant des maladies génétiques — 175 résultats de tests ont été révélés dans la publication, incluant des actions sur la drépanocytose, la mucoviscidose et la maladie de Tay-Sachs. Le CRISPR originel, nommé CRISPR Classic, est composé de deux éléments : une enzyme nommée Cas9, coupant l’ADN, et un « guide » ARN, permettant de fournir une empreinte à Cas9 de l’ADN à couper.

— vchal / Shutterstock.com

Bientôt dans les hôpitaux ?

L’enzyme du prime editor est faite de deux composants : une molécule agissant comme un scalpel à travers l’ADN, associée à une transcriptase inverse, qui convertit l’ARN en ADN. L’empreinte ARN est également différente : non seulement elle identifie l’ADN à couper, mais porte aussi une copie de la modification à faire. Quand l’ARN localise l’échantillon d’ADN à modifier, il permet à la transcriptase inverse d’y ajouter la séquence d’ADN modifiée lettre par lettre. À la fin de l’opération, restent les deux séquences d’ADN, l’original et le modifié. Enfin, le mécanisme de réparation d’ADN de la cellule intervient naturellement pour couper et retirer la séquence originale, ne laissant que la séquence modifiée. 

La technique permet plus de flexibilité car pour la première fois, le prime editor peut modifier n’importe quelle lettre du génome par une autre, tandis que les précédentes versions CRISPR ne fonctionnaient que par paire — et ne pouvaient modifier que des paires G-C par une A-T, par exemple. La plus grande contrepartie, selon des observateurs indépendants, est la taille des prime editors : ceux-ci peinent à se glisser au sein des virus que les chercheurs utilisent pour agir au niveau du génome. Ils pourraient même obstruer des aiguilles de micro-injections, comme celles utilisées pour les embryons de souris ou d’humains. 

Mais Liu cherche un moyen d’appliquer concrètement le prime editing sur des patients, même si les premières expérimentations sur des humains ne se feront pas avant des années. Quoi qu’il en soit, c’est peut-être un pas de géant pour une technologie qui n’a que 7 ans, tandis que, rappelons-le, la découverte de l’ADN ne remonte qu’à 1953.

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4 années

Le mieux est l’ennemie du bien? On cherche à réduire les inégalités sociales mondiales qui augmentent,mais alors là, encore, il y aura inégalité:si tu es riche et puissant tu pourras vivre plus longtemps.Il faut que ces compétences soient partagées dans les pays.Aussi pour éviter l’immigration sanitaire qui existe déjà un… Lire la suite »