Les archéologues sont sur les nerfs : le gouvernement britannique prévoit de construire un tunnel dont le tracé menace directement l’intégrité du site archéologique de Stonehenge. Un projet d’aménagement qui risque bel et bien d’entraîner la destruction d’une « archive nationale de l’Histoire britannique ».
Des empreintes vieilles de 6 000 ans
Le site archéologique de Stonehenge ne saurait se limiter aux mystérieuses constructions mégalithiques qui ont fait sa renommée : il recèle bien d’autres richesses historiques. Dernière en date : des empreintes de sabots parfaitement conservées que les chercheurs ont exhumées dans la zone de Blick Mead, à moins de 2 km des célèbres pierres de granit. Elles appartiendraient à des aurochs, des bovidés aujourd’hui disparus, et remonteraient à quelque 6 000 ans avant J.-C. d’après la datation au carbone 14.
Incrustées sous une pierre de surface, les empreintes d’aurochs auraient été volontairement conservées selon David Jacques, archéologue à l’Université de Buckingham : « Une surface longue de 9 mètres tout en silex a été construite par-dessus les empreintes, ce qui suggère qu’elles ont été délibérément préservées. ». Une curieuse initiative qui suggère que les habitants de l’actuelle Salisbury Plain s’adonnaient à un culte du bétail : « Nous croyons qu’ils réalisaient des rituels incluant leur bétail; ils vénéraient leur bétail. ».
Les équipes de recherches sont convaincues que le site de Blick Mead renferme encore de nombreux trésors qui ne demandent qu’à être déterrés. Des trésors menacés de disparition par le gouvernement britannique lui-même…
Le tunnel de la discorde
Le projet de tunnel de l’autoroute A303 a fait bondir les archéologues. Porté par l’entreprise publique Highways England et soutenu par le gouvernement, le tunnel devrait recouvrir une partie de la A303 – le principal axe routier desservant Stonehenge – pour désengorger le trafic et améliorer le cadre du site historique. Problème : le tracé du tunnel risque d’irrévocablement défigurer le paysage archéologique de Stonehenge. Sa construction endommagerait la nappe phréatique et entraînerait un assèchement de la tourbe et de la vase, essentiels à la préservation de ces inestimables vestiges archéologiques.
« C’est un endroit essentiel, un peu comme une archive nationale pour les matières organiques qui sont en quelque sorte des documents. Ça reviendrait à détruire une bibliothèque unique en son genre. »
David Jacques, archéologue
Les opposants au projet ne cachent pas leur colère, à commencer par David Jacques. Il est sidéré qu’un projet de cette envergure réussisse à placer le site de Blick Mead au mauvais endroit de la carte. Si les conséquences exactes du projet sur le site de fouilles demeurent inconnues, l’archéologue rappelle qu’il s’agit du seul site archéologique de Grande-Bretagne pouvant remonter la trace de nos ancêtres jusqu’à 8 000 ans avant JC. Un dommage d’autant plus irréparable que Blick Mead fourmille d’indices sur le mode de vie de nos aïeux.
Le multiculturalisme au Néolithique
La découverte des empreintes d’aurochs n’est qu’un des nombreux trésors exhumés par les chercheurs ; avant elles, différentes équipes avaient relevé la présence d’habitations, de festins et d’installations humaines. Mais ce qui fait de Blick Mead un site de fouilles à part entière, c’est qu’il suggère des interactions répétées entre chasseurs-cueilleurs et fermiers.
« Le but, c’est qu’un tunnel de 8 m de hauteur sera construit à proximité du site. Une de nos tranchées n’est qu’à 2 m de la route. Ils semblent prêts à poursuivre les travaux peut importe ce qu’on dise. »
David Jacques, archéologue
David Jacques l’exprime ainsi : « Il y avait un authentique début de multiculturalisme à Stonehenge, un phénomène multiculturel. Il y avait des contacts entre les chasseurs-cueilleurs et les fermiers. Des familles ont pu naître de ces interactions. C’est vraiment important pour l’Histoire britannique, pas seulement pour Stonehenge. » L’exploration scrupuleuse de Blick Mead reste la meilleure manière de retracer l’histoire et l’origine des premiers peuples de Grande-Bretagne.
Le project manager de Highways England a quant à lui rappelé que « le document en question était un plan de délimitation de propriété foncière » et non une carte géographique précise. Il invite par ailleurs les différentes parties à venir s’exprimer à la consultation statutaire de jeudi 8 février pour les aider à améliorer le projet avant de soumettre la demande de construction.
Par Matthieu Garcia, le
Source: The Guardian
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