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La douloureuse histoire de la stérilisation forcée aux États-Unis

Plus de 60 000 personnes ont été victimes de cette pratique génocidaire au XXe siècle qui visait essentiellement les Noirs

En Caroline du Nord, aux États-Unis, près de 7 600 personnes, hommes, femmes et enfants, ont été victimes de stérilisation forcée. Un programme spécial d’eugénisme y a perduré de 1929 à 1974. Visant à empêcher les personnes « faibles d’esprit » de donner naissance, cette politique a essentiellement touché les Noirs de cet État. Une pratique génocidaire que l’Amérique divisée peine à reconnaître.

Un eugénisme institutionnel

Une étude, publiée le 28 juin dans l’American Review of Political Economy, révèle que, de 1929 à 1974, un programme de stérilisations massives, mis en place par l’État de Caroline du Nord, visait « expressément » les Noirs. Cette étude pousse ses auteurs à s’interroger : se trouve-t-on en face d’un potentiel « génocide » ?

Les données issues de 2 163 stérilisations forcées ont été analysées par les chercheurs. Ce programme, très officiel, visait les « faibles d’esprit », dans l’optique de les empêcher de se reproduire afin de servir « l’intérêt public ». Même si certaines femmes avaient recours volontairement à ces opérations car elles ne disposaient pas de moyens de contraception (elles se déclaraient alors mères inaptes), la grande majorité de ces stérilisations ont été réalisées sous la contrainte, y compris sur des enfants, et les victimes ne connaissaient généralement même pas les conséquences de ces actes.

Ces opérations étaient validées, et même encouragées, par l’État de Caroline du Nord, qui disposait d’un conseil de l’eugénisme. Selon les auteurs de l’étude, qui ont examiné les cas de 1958 à 1968, plus de 2 100 stérilisations ont été pratiquées durant cette période. Les auteurs ont remarqué que l’ampleur de ces stérilisations était proportionnelle à la taille de la population noire sans emploi, alors que les Blancs, ou mêmes les personnes d’autres ethnies, n’étaient pas affectés dans les mêmes proportions.

― Tverdokhlib / Shutterstock.com

Un génocide ?

« Pour les Noirs, les stérilisations eugéniques ont été autorisées et administrées dans le but de réduire leur nombre dans la population future  c’est ce qu’on appelle un génocide », affirment sans détour Gregory N. Price, William Darity Jr et Rhonda V. Sharpe, les auteurs de l’étude. Rhonda V. Sharpe, présidente du Women’s Institute for Science, Equity and Race, poursuit : « Ce que notre rapport démontre, c’est comment l’interprétation des travailleurs sociaux du comté, qui peuvent être considérés comme racistes et sexistes, a dévalorisé le droit des Noirs pauvres à se reproduire. »

Gregory N. Price, professeur d’économie à l’université de La Nouvelle-Orléans, de son côté, s’alarme : « L’histoire sordide de la stérilisation eugénique fondée sur la race en Caroline du Nord suggère que les préjugés raciaux peuvent réapparaître dans les interventions de santé basées sur la génétique. Cela est particulièrement vrai si persistent les présomptions raciales selon lesquelles les Noirs sont génétiquement inaptes. Des preuves de tels biais apparaissent encore dans une certaine littérature en sciences sociales sur la race et le QI, où certains auteurs concluent que les différences d’intelligence entre les Noirs et les non-Noirs sont ‘génétiques’ et ‘héritables’. Le tristement célèbre Courbe de Bell en est peut-être l’exemple le plus frappant. » The Bell Curve, paru en 1994 et non traduit, a été écrit par le psychologue Richard J. Herrnstein et le politologue Charles Murray. Ils y affirment que le quotient intellectuel (QI) est déterminant, et définissent une « élite cognitive », en stipulant que l’intelligence différerait selon l’ethnie. Ce livre a été accusé, dès sa sortie, de défendre l’eugénisme et le racialisme.

Fondé en 1933, le conseil de l’eugénisme de Caroline du Nord avait le pouvoir, par le biais de ses travailleurs sociaux, de désigner qui était « faible d’esprit » et donc méritait de subir cette opération. Les auteurs de l’étude expliquent que, si la proportion de Noirs touchés par ces opérations était aussi importante, c’est que le but était de viser une population que cet ancien État confédéré jugeait « génétiquement inapte et improductive ». Rhonda V. Sharpe poursuit : « Contrôler les corps noirs et leurs choix de reproduction n’a rien de nouveau. Notre étude montre que la Caroline du Nord a restreint la liberté de reproduction, en utilisant l’eugénisme pour priver de leurs droits les résidents noirs. »

Des démons dont l’Amérique peine à se défaire

Dans les années 1970, Elaine Riddick a découvert, alors qu’elle essayait d’avoir un enfant, que l’opération qu’elle avait subie était irréversible, ce que personne ne lui avait dit à l’époque. Comme elle, des milliers de personnes, parfois même des enfants, ont subi ces opérations sans avoir conscience de tout ce qu’elles impliquaient, subissant ainsi les mensonges par omission des travailleurs sociaux du conseil de l’eugénisme. Elaine a donc décidé de se battre pour obtenir justice et, avec Rebecca Project for Justice, association oeuvrant pour « la protection de la vie, de la dignité et de la liberté des personnes en Afrique et aux États-Unis », dont elle est devenue présidente, elle a bataillé pour que les victimes obtiennent réparation.

Elle y est parvenue puisque, en 2013, la Caroline du Nord est devenue le premier État à légiférer pour indemniser les victimes de ces crimes. Mais elles se heurtent à un problème de taille : des travailleurs sociaux avaient sévi sans en informer le conseil de l’eugénisme. Or, la loi dispose que les victimes pouvaient déposer leur réclamation jusqu’au 30 juin 2014 et que, pour être reconnues éligibles, elles devaient avoir subi leurs opérations sous l’ordre du conseil de l’eugénisme. Il y a donc des victimes qui ne peuvent pas prouver qu’elles ont subi ces opérations contre leur gré et, en conséquence, ne peuvent être indemnisées.

Pour autant, l’Amérique, qui se veut la « plus grande démocratie du monde », peut-elle affirmer que ces crimes sont derrière elle ? La réponse est non. Récemment, des affaires de stérilisation ont éclaté au grand jour : en juin, la réalisatrice Erika Cohn a raconté, dans le documentaire Belly of the Beast (« Le Ventre de la bête »), que des femmes ont longtemps été stérilisées dans les prisons de Californie, entre 1997 et 2013. L’État, pourtant progressiste, considérait que ces stérilisations forcées étaient un moyen de contrôler les naissances en prison, et aurait réalisé plus de 1 400 opérations. Elles ont fini par être interdites en 2014. Une autre affaire, tout aussi terrible, vise cette fois le centre de détention pour migrants d’Irwin, en Géorgie : une infirmière a lancé l’alerte selon laquelle des migrantes auraient subi des hystérectomies à leur insu. « Si cela est vrai, les conditions épouvantables décrites dans la plainte du lanceur d’alerte  y compris les allégations d’hystérectomies de masse pratiquées sur des femmes immigrantes vulnérables  sont une violation stupéfiante des droits de l’homme », a affirmé la présidente, démocrate, de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, qui a réclamé l’ouverture d’une « enquête immédiate ».

Par Marine Guichard, le

Source: Le Monde

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  • J’ai toujours pensé qu’un génocide était le massacre d’une population…autrement dit, qu’on assassinait tout un peuple…et non qu’on stérilisait un peuple et honnêtement je crois que vaux mieux ça plutôt que la religion chrétienne qui au contraire, même en cas de danger mortel pour une mère, devait continuer à s’accoupler avec leur époux afin de concevoir le plus de chrétiens possible…combien de femmes sont mortes soit pendant ces grossesses forcées ou à l’accouchement malgré un avis clair du médecin concernant une impossibilité de mettre au monde un autre enfant et d’y survivre…et à cette époque, les femmes devaient obéir à leur époux et les époux obéissaient au clergé…..Autre époque, autre mœurs !