Actuellement, la Chine connaît de nombreuses difficultés dans le domaine des soins psychiatriques entre la pénurie de professionnels qualifiés, la saturation des services psychiatriques et la mauvaise influence culturelle encore omniprésente. Toutefois, cette situation critique pourrait bien changer grâce à la réalité virtuelle. En effet, plusieurs entreprises technologiques dans le pays suggèrent désormais des applications de soins psychiatriques utilisant la réalité virtuelle aux patients.
Comment ça marche ?
Les applications de soins utilisant la réalité virtuelle vont faire immerger le cerveau des patients – leur corps étant bien en sécurité dans le cabinet d’un thérapeute – dans des simulations très réalistes pour les aider à affronter leur phobie, leur traumatisme et soigner leur addiction.
Par exemple, un ancien combattant d’Afghanistan, souffrant de stress post-traumatique, visitera virtuellement le champ de bataille en Irak ; une personne alcoolique va se retrouver dans un bar virtuel sans boire et une personne qui a peur de l’avion va faire l’expérience virtuelle d’un décollage et d’un atterrissage tout en restant fermement au sol.
Des résultats époustouflants
Cette méthode de soins psychiatriques a d’ailleurs d’ores et déjà montré des résultats impressionnants. Une femme, ayant le vertige, avait réussi à monter calmement un escalator après 3 heures de traitement par réalité virtuelle. De même, plusieurs chercheurs dans le monde ont testé cette technologie et ont constaté des résultats prometteurs.
C’est ainsi que fin 2016, des revues ont publié près de 300 études sur l’utilisation de la réalité virtuelle dans le traitement des troubles mentaux. De même, en mars 2019, JAMA Psychiatry a publié un essai randomisé contrôlé, une étude scientifique utilisée dans de multiples domaines, sur le traitement de l’acrophobie ou la peur des lieux élevés, par réalité virtuelle et sans thérapeute. Il en a résulté que le traitement était non seulement bien reçu par les patients mais qu’il était peu coûteux et, surtout, avait donné des résultats probants.
Les services des soins de santé mentale actuels en Chine sont extrêmement déficients
Si la Chine offre un terrain particulièrement fertile à l’exploitation de la réalité virtuelle dans le domaine médical, et particulièrement dans les traitements psychiatriques, c’est à cause de la situation actuelle des services de soins chinois.
En premier lieu, la Chine manque terriblement de psychiatres. Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre de psychiatres en Chine est 4 fois inférieur à la moyenne mondiale. La concentration de psychiatres en Chine est de 2,2 seulement pour 100.000 habitants, par comparaison, cette concentration est de 10,5 aux Etats-Unis.
En second lieu, la crise des professionnels de santé en Chine fait que certains psychiatres reçoivent plus de 100 patients par jour. Résultats : aucune intimité entre le médecin et le patient, de plus, les psychiatres n’accordent que peu d’attention à la rédaction des ordonnances, qu’ils délèguent généralement à un assistant pendant qu’ils consultent le prochain patient.
Le professeur Xiaoduo Fan, agrégé de psychiatrie à la faculté de l’université du Massachusetts et directeur du programme de santé mentale en Chine pour cette université, a déclaré : « Je n’y croyais pas jusqu’à ce que je le voie moi-même. »
La réalité virtuelle pourrait résoudre beaucoup de ces problèmes
Une autre raison, mais pas des moindres, pose également problème en Chine : les niveaux élevés de stigmatisation des personnes présentant des problèmes mentaux. En effet, 90 % des personnes souffrant de troubles mentaux en Chine sont réticentes à l’idée de demander de l’aide auprès des services psychiatriques par peur d’être stigmatisées. Selon le professeur Fan, « les familles de personnes atteintes de maladie mentale cachent leurs proches malades depuis des années dans des cages ou dans des salles vides ».
Cependant, les traitements par la réalité virtuelle peuvent abattre ces barrières culturelles car ces traitements peuvent se dérouler dans l’intimité du domicile des patients via une interface semblable à celle d’un joueur. Pour Daniel Freeman, professeur de psychologie clinique à l’université d’Oxford, il ne fait aucun doute que la réalité virtuelle serait « révolutionnaire dans la réduction de la stigmatisation ». Jack Chen, président de Cognitive Leap, une entreprise internationale de réalité virtuelle spécialisée dans la santé mentale, ajoute même que « le système de réalité virtuelle est considéré comme très scientifique et ne souffre donc d’aucune stigmatisation. C’est une chose tellement agréable et amusante à faire. »
La réalité virtuelle doit être régie par des normes
Même si la Chine est le foyer d’innovations technologiques incroyables, son secteur médical est à la traîne. On estime qu’il y a plus de 100 sociétés d’intelligence artificielle œuvrant dans les applications médicales en Chine et certaines d’entre elles, comme Cognitive Leap, Oxford VR, Shanghai Invision Digital Technology et Sanghai Oing Tech, se spécialisent dans le traitement psychiatrique et ont même déjà lancé des programmes de soins de maladies mentales.
Beaucoup d’experts s’enthousiasment : la Chine a des chances de lancer une innovation dans le domaine des soins psychiatriques. Toutefois, selon le professeur Friemann, « la réalité virtuelle ne peut être qu’un élément des soins de santé mentale et non pas l’ensemble du système ». Par conséquent, cette technologie doit être régie par des directives importantes de sécurité, de confidentialité et d’éthique.
Par Arielle Lovasoa, le
Source: scientific american
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