Le silphium était une herbe sauvage, poussant en Libye actuelle. Les Romains la convoitaient pour ses multiples vertus, elle était un véritable symbole d’une richesse incontestée. Malheureusement disparue, cette espèce végétale a fait l’objet d’une incroyable réputation à travers les siècles, car elle cache bien des mystères…

Le silphium, était déjà mentionné dans la mythologie gréco-romaine par Pausanias. Ce dernier raconte que Castor et Pollux, les Dioscures, se sont présentés chez Phormion en demandant une chambre en guise d’hébergement. Ce dernier leur donne accès à toute la maison, à l’exception d’une chambre : celle appartenant à sa fille non encore mariée. Le lendemain, sa fille avait disparu, tout comme ses servantes. À la place, il trouve des statues des Dioscures ainsi que du silphium.

VÉRITABLE TRÉSOR VÉGÉTAL, LE SILPHIUM ÉTAIT ÉLÈVE AU RANG DE PANACÉE

Des statues des Dioscures à Rome

À quoi ressemblait le silphium et comment l’utilisait-on ?

Une pièce de la ville de Cyrène, où l’on peut voir une branche de silphium

Il reste de nombreux vestiges, tant dans les représentations symboliques que textuelles. C’est Théophraste qui a permis de connaître l’aspect physique de cette plante, grâce à une description très détaillée. De ce que l’on peut en savoir, le silphium était une plante sauvage et annuelle, poussant exclusivement dans le nord-est de la Libye, plus précisément à Cyrène (ex Shahhat), sur les flancs montagneux. Elle poussait sous forme d’herbe buissonneuse pouvant atteindre les 3 m de haut et donnant naissance à des grappes de fleurs jaunes d’or, aux fruits foliacés très particuliers. La tige creuse s’ancrait au sol grâce à des racines noires et longues (environ 50 cm), contenant un suc laiteux extrêmement prisé appelé aussi « laser ».

SON FRUIT ÉTAIT EN FORME DE CŒUR, PRÊTANT AINSI À LA PLANTE, DES LIENS ÉTROITS AVEC L’AMOUR ET LA FERTILITÉ

Elle était très populaire pour sa sève. Celle-ci était utilisée comme aromate. Le suc extrait de la racine était plus prisé que celui de la tige, car il était plus pur et concentré. À cette résine, était souvent ajoutée de la farine de blé, afin de réaliser des boulettes à râper sur les plats. La tige quant à elle, était séchée avant d’être utilisée comme herbe aromatique sur les plats des grandes tablées de la haute société chez les gréco-romains. Elle pouvait aussi être consommée comme un légume, en soupe, en salade, etc.

Des vertus médicinales inégalables

Hippocrate en prescrivait à ses patiens

Le silphium était utilisé pour traiter la toux ainsi que les maux de gorge. Mais il avait un réel pouvoir pour faire tomber la fièvre, stopper les douleurs, les indigestions, etc. Il faisait donc partie de ces plantes capables de s’adapter à la pathologie pour la soigner (au même titre que l’ortie !).

Le silphium était aussi utilisé en usage externe pour aider à la cicatrisation après une blessure empoisonnée (piqûre de moustique, serpent, abeille, etc.). Certains en buvaient le jus pour se donner des élans d’amour. Véritable aphrodisiaque, le silphium était aussi considéré comme un puissant contraceptif.

Le silphium ou l’or végétal

Plus qu’une simple plante, le silphium était de l’or végétal. Déjà connue et fortement appréciée en Égypte, c’est Battos qui l’avait baptisée ainsi lorsqu’il l’avait découverte sur les terres de Cyrène en -631. Les Libyens l’utilisaient déjà comme remède pour de nombreux maux. Après leur arrivée, les Grecs l’ont rebaptisée Suc de Cyrénaïque. Épatés par les bienfaits de la plante, ils ont décidé de la commercialiser. Très vite, sa popularité s’est ébruitée jusqu’à Rome.

C’est à ce moment-là que cette plante, si magique, est devenue un pilier de la civilisation. Des poèmes et pièces de théâtre ont été écrits à son effigie, tout comme des œuvres littéraires plus récentes (Flaubert, Salammbo, Sous les murs de Carthage). De grandes œuvres littéraires mentionnent le nom de la plante et Cyrène est devenue la ville la plus riche de toute l’Afrique. Les Grecs ayant pu accroître leurs richesses et le commerce avec les Romains, grâce à cette plante, ont tout simplement frappé leurs pièces de monnaie à son effigie.

Le roi de Cyrène assistant à la coupe du silphium

Le prix de la plante égalait celui de l’argent, si bien que même César, lorsqu’il s’est emparé du trésor public, n’a pas renoncé à prendre les 500 kg de silphium ! Cette plante surprenante ne poussant que de façon sauvage a rapidement fait l’objet de rationnement. Cela l’a conduite à faire son entrée sur le marché noir, où nombre de vendeurs à la sauvette n’hésitaient pas à en demander un prix totalement démesuré.

La première espèce végétale à avoir disparu est le silphium

D’après la légende, la première tige de silphium a été découverte après une pluie noire sur la côte est de la Libye. Poussant comme du chien dent, la plante s’est développée par-delà les collines et les prairies, jusqu’à recouvrir une surface de 200 x 40 km. Dans cet endroit du pays, il pleut presque autant qu’en Grande-Bretagne. Les Grecs ont été les premiers colons, puis les Romains l’ont annexé en 96 av. J.-C.

Extrêmement recherché, tant pour la cuisine que pour ses bienfaits sur la santé, le silphium a fait la richesse des rois de Cyrène.

CERTAINS ANIMAUX SE NOURRISSAIENT AUSSI DE SILPHIUM ET LEUR VIANDE ÉTAIT NATURELLEMENT TRÈS PARFUMÉE

D’après des écrits, César avait une réserve personnelle de silphium

Ces derniers ayant constaté que les pieds se raréfiaient ont alors mis en place une restriction de cueillette. Il n’a fallu qu’un siècle pour que le silphium disparaisse des terres libyennes.

Jules César aurait, d’après certains écrits, fait une réserve personnelle de quelque 680 kilogrammes ! D’après les dires, le dernier pied recensé aurait été cédé à Néron qui très curieux sur le sujet, souhaitait en apprécier les bienfaits entre 54 et 65 av. J.-C.

Pourquoi ne pas avoir pris soin de la cultiver ?

À Cyrène, pesée du silphium

Et c’est encore là que cette plante est surprenante… Le silphium poussait uniquement dans cette région et seulement à l’état sauvage ! Elle ne poussait nulle part ailleurs. Ni les Grecs ni les Romains, pourtant coutumiers des cultures, n’avaient réussi à faire pousser le moindre brin sur leurs terres. Même Théophraste, père de la botanique, restait perplexe face à cette plante si mystérieuse.

De nombreuses théories ont été avancées quant à ce fait. Le silphium a même été comparé aux coquelicots qui ne prolifèrent que s’ils ont une quantité de soleil suffisant, puis à l’airelle qui ne pousse qu’en Amérique du Nord. Certains botanistes pensent même que le silphium était un hybride victime de son propre sort…

Une véritable énigme botanique…

La surexploitation de la plante a tout simplement conduit à sa raréfaction, puis à son extinction.

De plus, les animaux en pâture en étaient très friands. D’après certains écrits, les moutons qui consommaient du silphium affichaient un poids équivalent à celui d’un petit bœuf. Les paysans arrachaient donc les barrières pour laisser paître leur bétail. Cela leur garantissait un meilleur prix de vente pour leur bétail.

CONVOITÉE TANT PAR L’HOMME QUE PAR LES BÊTES, LA RAISON DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE A EU RAISON DU SILPHIUM

Une autre plante similaire, poussant en Perse, en Médie et en Arménie a pu être trouvée, mais ses vertus étaient bien moindres que celles du silphium antique. Une autre plante à l’aspect physique sensiblement similaire a été rebaptisée du même nom. Mais ses propriétés diffèrent du tout au tout.

Certains experts pensent que la plante existe toujours, mais que la difficulté du contexte et du terrain ne permettent pas une exploration en profondeur. Les animaux éteints ou en voie de disparition font couler beaucoup d’encre, mais qu’en est-il aujourd’hui de ces végétaux aux mille vertus, disparus pour cause de surexploitation ?

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