Les apiculteurs sonnent l’alarme : le frelon européen, autrefois opportuniste et peu menaçant, adopte aujourd’hui des stratégies de chasse similaires à celles du redoutable frelon asiatique. Les ruches, déjà affaiblies par de multiples pressions, se retrouvent piégées entre deux prédateurs qui ne leur laissent aucun répit.

Le frelon européen n’est plus un simple charognard : il apprend à chasser comme son cousin asiatique
Il y a encore quelques années, le frelon européen (Vespa crabro) passait pour un géant placide de nos campagnes. Bruyant, certes, mais loin d’être l’ennemi public numéro un des abeilles. Contrairement à son cousin asiatique, réputé pour ses assauts frontaux et son efficacité meurtrière, l’Européen préférait jusqu’ici se nourrir de fruits mûrs, de petits insectes morts ou de restes alimentaires. Autrement dit, un comportement de charognard plus que de chasseur.
Pourtant, cette image est en train de basculer. En effet, des apiculteurs, notamment dans l’Ouest de la France, rapportent des attaques organisées devant les ruches. Le frelon européen guette, capture et découpe les abeilles pour nourrir sa colonie, un comportement calqué sur celui de son homologue asiatique. Et cela change tout. Car cela signifie que le frelon européen n’est plus simplement un acteur secondaire de la chaîne alimentaire : il devient un prédateur actif, capable de désorganiser une ruche en quelques jours.
Une hypothèse troublante : le mimétisme comportemental entre espèces pourrait expliquer ce changement
Mais comment un insecte peut-il changer à ce point de comportement ? Certains chercheurs avancent une hypothèse fascinante : le mimétisme comportemental. En partageant le même territoire que le frelon asiatique (Vespa velutina), l’Européen aurait observé ses méthodes et les aurait, d’une certaine manière, adoptées.
Ce phénomène n’est pas sans précédent dans le monde animal, mais il reste rare chez les insectes sociaux. Et s’il est avéré, il pourrait traduire une capacité d’adaptation redoutable, motivée par la concurrence pour les ressources ou la nécessité de nourrir plus efficacement une colonie. Par conséquent, deux espèces de frelons aux comportements convergents émergent, avec un même résultat catastrophique.
L’attaque combinée des deux frelons pourrait accélérer l’effondrement des colonies d’abeilles

Les abeilles, essentielles à la pollinisation, font face à une pression de plus en plus forte. Entre les pesticides, la perte de biodiversité et le dérèglement climatique, leur déclin s’accélère depuis plus de vingt ans. Dans ce contexte, l’apparition d’un deuxième prédateur actif à l’entrée des ruches pourrait être un coup fatal pour certaines colonies déjà affaiblies.
Imaginez : une ruche sous la menace constante de deux types de frelons, chacun maîtrisant des techniques d’attaque ciblées. Dès lors, les butineuses n’osent plus sortir, la ruche se vide, l’équilibre s’effondre. Pour les apiculteurs, c’est la double peine : multiplication des pertes et difficulté croissante à protéger leurs essaims.
Ce contexte crée un cercle vicieux. Moins d’abeilles signifie moins de pollinisation, donc une flore affaiblie, et par ricochet, un écosystème déséquilibré. Chaque ruche décimée compromet la reproduction de nombreuses plantes, y compris agricoles. Le problème dépasse largement les ruchers : il touche notre alimentation et celle des animaux sauvages.
Comprendre et surveiller ce phénomène : une priorité pour la science et la protection de la biodiversité
Face à cette situation inédite, cette évolution comportementale du frelon européen pose une nouvelle énigme scientifique. Pourquoi maintenant ? Est-ce un phénomène local ou généralisé ? Est-il réversible ? Les chercheurs doivent agir vite pour comprendre, car le risque dépasse le monde de l’apiculture. Les abeilles jouent un rôle crucial dans nos écosystèmes, et chaque perte de ruche affaiblit l’ensemble de la biodiversité végétale.
Par ailleurs, il faudra aussi sensibiliser les citoyens à ce changement : ne pas confondre les deux frelons, signaler les comportements suspects près des ruches, aider les apiculteurs à sécuriser leurs installations. Et surtout, ne pas céder à la panique. Car si la nature change, notre capacité à comprendre et à nous adapter doit suivre le mouvement, elle aussi.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Maison & Travaux
Étiquettes: abeilles, frelon européen
Catégories: Actualités, Animaux & Végétaux