La découverte de sépultures anglo-saxonnes où le sexe anatomique du défunt ne concorde pas avec les objets funéraires habituellement associés à son genre soulève des questions intrigantes sur les notions de masculinité et de féminité dans le passé. Loin d’être de simples anomalies, ces tombes pourraient fournir des indices essentiels sur la complexité du genre dans l’Angleterre anglo-saxonne ancienne, remettant en cause les hypothèses basées sur les normes occidentales du XIXe siècle.
Les préconceptions sur le genre dans l’archéologie
Traditionnellement, l’archéologie de l’Angleterre anglo-saxonne, s’étendant de 450 à 750 après J.-C., a catégorisé des objets comme étant soit masculins, soit féminins. Des armes, des équipements équestres et des outils sont habituellement considérés comme des marqueurs de masculinité, tandis que des bijoux, des instruments de couture et des perles sont attribués à la féminité. Cette dichotomie a servi de fondation à la compréhension des rôles de genre dans cette période, et les découvertes archéologiques ont en grande partie validé cette vision traditionnelle.
Cependant, des sépultures qui ne se conforment pas à ce schéma brouillent les lignes. Des individus dont le sexe anatomique serait considéré comme masculin selon les critères modernes sont parfois enterrés avec des objets traditionnellement associés aux femmes, et inversement. Ces sépultures sont souvent exclues des études et des rapports archéologiques car elles sont considérées comme des exceptions, des « anomalies » qui ne correspondent pas à la norme.
L’anomalie des sépultures « atypiques »
Certaines sépultures anglo-saxonnes ne respectent pas ces normes de genre. Des squelettes anatomiquement masculins sont parfois accompagnés d’objets considérés comme féminins, et vice versa. Par exemple, onze sépultures découvertes dans le cimetière préchrétien de Buckland, à Douvres, ont été étiquetées comme « divergentes » en raison d’un tel décalage. Deux sépultures, en particulier, attirent l’attention: la « tombe 30 » et la « tombe 93 ».
La « tombe 30 » contenait un squelette identifié comme masculin, enterré avec une variété d’objets traditionnellement féminins comme des perles, une broche en argent doré et un jeu de clés. Cette richesse d’objets suggère également que le défunt était de statut élevé. À l’inverse, la « tombe 93 » contenait un squelette qui pourrait être féminin, enterré avec des armes et des boucliers.
Une perspective trans-inclusive
L’archéologie adopte une perspective trans-inclusive, en examinant ces sépultures à la lumière de la théorie trans. Cela permet d’envisager des identités de genre non normatives et de réintégrer ces individus dans l’histoire plutôt que de les marginaliser. L’exemple de la tombe 30 pourrait être celui d’une femme trans fortunée, qui portait avec fierté des bijoux en argent et bénéficiait d’un statut élevé dans sa communauté.
De même, la tombe 93 pourrait être celle d’un homme trans qui avait un rôle respecté dans sa société et qui manifestait sa masculinité par ses objets guerriers. Ces interprétations sont, bien entendu, des conjectures, car il est impossible de connaître la véritable identité de ces individus.
Une vision réductrice du passé ?
Le travail de recherche doctorale de James Davison, doctorant en histoire médiévale à l’université de Liverpool, vise à examiner ces sépultures atypiques sous un nouvel angle, en incorporant des concepts modernes liés à la transidentité. Les études sur la transidentité reconnaissent l’existence de genres non binaires et de diverses expressions de genre, qui pourraient être également applicables dans un contexte historique.
Le traitement de ces sépultures comme des anomalies repose sur une hypothèse problématique : que les sociétés historiques ont adhéré à un système de genre aligné sur les normes du XIXe siècle. Cette préconception risque de limiter la compréhension de la diversité et de la complexité des rôles de genre dans le passé. L’idée que les dimensions du sexe, du genre et de la sexualité ont été constantes à travers l’histoire est répandue, mais elle est également sujette à débat.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Science Alert
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