Au début des années 2010, la télévision découvrait un nouveau réalisateur jusque-là resté discret : Ryan Murphy créait et développait Nip/Tuck, Glee et American Horror Story, trois des séries les plus populaires de l’époque. Manœuvrant dans des univers différents, il séduisait un public large et hétéroclite avant de se lancer dans la réalisation d’un OVNI télévisuel, Scream Queens.
Scream Queens, comme beaucoup de slashers et d’antologies, centre son histoire sur un personnage et cette fois, la final girl de Murphy, c’est Grace Gardener interprétée par Skyler Samuels. Alors qu’elle fait sa rentrée dans l’université Wallace, elle veut tenter de se rapprocher de sa mère morte quelques années plus tôt. Pour ce faire, elle fait son possible pour entrer dans la même sonorité que sa mère, les « KKT » refusant de prendre en compte les conseils de son père.
Féministe et instruite, elle se retrouve dans un monde où les apparences comptent plus que tout et c’est au sein d’un groupe de filles à papa manipulatrices qu’elle va faire la rencontre de Zayday Williams (Keke Palmer). Ensemble, les deux amies vont être témoin d’une série de meurtres et alors qu’elles se lancent dans une enquête périlleuse pour démasquer le tueur, elles se retrouvent face aux terreurs du campus, deux diables rouges prêts à tout pour mettre un terme à la sororité.
Ryan Murphy, accompagné de ses associés de toujours Brad Falchuk et Ian Brennan, est donc à l’origine de séries magistrales et s’est illustré en 2015 dans la création de Scream Queens, une œuvre d’anthologie mêlant comédie et horreur. Cette « comédie horrifique » reprend tous les codes du slasher comme a pu le faire Scream quelques années plus tôt. On aime y deviner quelle sera la prochaine victime du diable rouge, rire des mésaventures des héros et de leurs répliques cinglantes.
Rire, car la série est aussi amusante qu’addictive. Là où beaucoup n’y ont vu qu’une série d’horreur pour jeunes adolescentes, il s’agit surtout d’un nouveau genre d’œuvre : pas de Scary Movie ici, le thriller reste toujours au centre de l’attention mais les protagonistes sont de tels clichés qu’on adore rire d’eux et avec eux. Loin de se prendre au sérieux, Scream Queens s’est doté d’une équipe de haut vol : le groupe des petites pestes est dirigé par Emma Roberts (Scream 4, Palo Alto) accompagnée de Lea Michele (Glee) et Abigail Breslin (Final Girl, La Strategie Ender). Ensemble, elles remplissent à la perfection les codes : belles d’apparence, supposément écervelées, elles sont avant tout manipulatrices, intelligentes et surprenantes.
En découvrant les épisodes, on rencontre de nombreux guests tout droit sortis des bancs Disney, prêts à prouver leur capacité à faire preuve d’humour et d’autodérision. Nick Jonas, Ariana Grande, Chad Michael Murray et Niecy Nash profitent de leur image publique et surexposée pour se jouer de l’idée qu’on a d’eux. Ecervelés, idiots et inutiles, ils s’amusent à interpréter leurs rôles et cela se ressent dès le premier épisode. Un casting surprenant donc, d’autant plus qu’il est sublimé par Jamie Lee Curtis dans le rôle d’une doyenne sans cœur aux idées arrêtées sur tout et n’importe quoi. En fin de compte et c’est certainement l’un des plus gros points faibles de la série, les personnages secondaires sont bien plus importants, intéressants et attachants que ne peut l’être l’héroïne qui, correspondant toujours à l’image de la final girl, finit par lasser.
Vous vous en doutez, en raison du format et du genre, les références aux grands films du 7e art vont bon train dans Scream Queens : Jamie Lee Curtis rend d’ailleurs hommage à sa mère, Janet Leigh, dans une scène de douche reprenant celle de Psychose. Clins d’œil à Game of Thrones, Twilight, Michael Bay sautent au yeux. Des références qui font de cette création de Ryan Murphy bien plus qu’un parodie de film d’horreur : une œuvre qui passe par la satire sociale. Surconsommation, individualisme, compétitivité, violence, superficialité, sont les éléments les plus remarqués et remarquables de la série qui, comme le souligne la reine des KKT, sont mis en exergue sur les réseaux sociaux.
C’est d’ailleurs une habitude pour Murphy qui ne se contente jamais de raconter une histoire dans ses œuvres : les exagérations, les stéréotypes lui servent toujours à dresser un portrait juste d’une population ou d’une génération. Les décès sanglants des protagonistes ne restent jamais très longtemps au centre des conversations et c’est ainsi qu’une fraternité ayant perdu 3 de ses membres décide la semaine suivante d’organiser une fête. Tout comme le grotesque, l’indifférence face à la violence physique ou verbale reste au centre de l’histoire.
Revenons-en aux réseaux sociaux : ils prennent une place énorme dans la série puisqu’en mai 2016, le compte Instagram de screamqueensfox dépassait les 812 000 abonnés. En traitant autant de l’hyperconnectivité, la Fox en a profité pour faire de sa série une œuvre transmédia dont les meilleurs moments partagés par les personnages fictifs le sont aussi dans la vraie vie. Le Chanel-O-Ween, ou l’évènement durant lequel la reine de KKT, intéressée, se présente chez ses fans Instagram pour leur offrir des cadeaux, fut partagé sur la chaîne YouTube de Fox. De même que les photos prises et partagées par les héroïnes le furent sur les différents réseaux de la chaîne.
Scream Queens, c’est un savant mélange d’humour, d’autodérision, de références, d’hommages, de critiques et de stéréotypes. S’il faut quelques épisodes pour se mettre dans le bain sanglant de la série, il est impossible par la suite d’en décrocher. Ryan Murphy a fait de sa création un classique de l’anthologie avant même la diffusion de la saison 2. Bien que difficile à caractériser, Scream Queens est un incontournable du petit écran qui n’a pas fini de nous surprendre !