Quand la Terre se dérègle, elle ne le fait jamais à moitié. Il y a 56 millions d’années, un réchauffement brutal bouleverse la vie. Une équipe européenne a fouillé les sols du sud de la France. Leur découverte relie fossiles anciens et menaces climatiques très actuelles. Frissons garantis.

Le PETM et le POE : deux réchauffements anciens, l’un extrême, l’autre plus proche de notre réalité climatique
Le PETM (Paleocene-Eocene Thermal Maximum) marque un moment de chaos climatique ancien. Les températures grimpent alors de 5 à 8 °C, provoquant des bouleversements à l’échelle planétaire. Ce phénomène, dû à une libération massive de CO2, préfigure étrangement le réchauffement actuel. Une alerte venue du fond des âges.
Mais avant le PETM, un autre signal faible, plus subtil, avait surgi : le POE, ou Pre-Onset Event. Cette hausse de température de 2 °C semble bien plus proche de nos propres perturbations climatiques. C’est pourquoi les chercheurs l’étudient aujourd’hui comme un modèle précieux, un avertissement miniature mais riche d’enseignements.
Ce parallèle entre les deux événements permet d’obtenir un spectre complet des réactions climatiques naturelles. En comparant leurs intensités et leurs conséquences, les scientifiques peuvent mieux cerner les seuils critiques de basculement. Ainsi, ils espèrent anticiper ce qui nous attend si nos émissions de gaz à effet de serre persistent.
Des dents fossiles dévoilent une migration animale entre continents grâce aux forêts boréales
Dans le Massif des Corbières, les paléontologues ont déniché des fossiles de mammifères vieux de 56 millions d’années. Ces vestiges minuscules, notamment des dents, permettent de reconstituer la présence simultanée d’espèces archaïques et modernes. Ainsi, marsupiaux et rongeurs nord-américains auraient rejoint l’Europe grâce à des ponts forestiers.
On pensait jusqu’alors l’Europe enclavée par des mers. Pourtant, le climat plus chaud a fait fleurir d’immenses forêts jusqu’aux hautes latitudes. Ces forêts ont joué un rôle de corridors naturels. Par conséquent, la biodiversité a répondu au changement climatique par la mobilité. Une stratégie que certaines espèces pourraient répéter demain.
Des changements rapides, des disparitions, des apparitions : quand le climat bouleverse l’ordre du vivant
Ce que révèlent ces recherches, c’est la rapidité des changements dans les écosystèmes. En quelques milliers d’années seulement, certaines espèces ont disparu, tandis que d’autres sont apparues. Le POE agit comme un test grandeur nature : le vivant ne reste pas figé, il mute sous pression.
Le plus troublant, c’est que ce réchauffement du POE était plus lent que celui que nous connaissons aujourd’hui. Ainsi, si les réactions étaient déjà fortes à l’époque, que dire de notre situation actuelle ? Nous vivons un bouleversement climatique 10 à 100 fois plus rapide. L’avenir s’annonce instable.
S’inspirer du passé pour anticiper : les fossiles comme outils précieux pour prédire le futur de la biodiversité
Les fossiles ne sont pas de simples curiosités préhistoriques. En effet, ils racontent comment le vivant réagit face aux crises climatiques. Le projet EDENs, mené par des chercheurs français et belges, exploite ces données pour comprendre l’avenir. La leçon est claire : la vie s’adapte, mais dans la douleur.
Ce retour sur le passé invite à repenser nos modèles de prévision. Car la biodiversité ne suit pas de scénario linéaire. Elle migre, change, bifurque. Si l’on veut anticiper, il faudra accepter cette complexité, sortir des cadres rigides et observer plus finement les signaux faibles.
Par Gabrielle Andriamanjatoson, le
Source: Université de Namur
Étiquettes: réchauffement climatique, fossile
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