
Derrière chaque morceau de poulet vendu à bas coût dans nos supermarchés se cache une réalité bien moins appétissante. Des milliards d’animaux subissent chaque année une vie courte, douloureuse et confinée. Si la plupart des consommateurs sont conscients de cette souffrance, peu savent qu’il est possible d’y remédier de manière concrète et accessible. Une nouvelle étude vient en effet de démontrer qu’un dollar investi dans de meilleures pratiques d’élevage pourrait épargner à un poulet entre 15 et 100 heures de douleur intense.
Une industrie gigantesque mais cruelle
Le poulet est devenu la viande la plus consommée au monde. Rien qu’en 2023, près de 76 milliards de volailles ont été élevées et abattues. Cela représente environ 140 000 poulets tués chaque minute à l’échelle mondiale. Pourtant, la vie de ces animaux, de leur naissance à leur mort sept semaines plus tard, est marquée par une souffrance extrême.
Dans la majorité des cas, ils sont entassés dans des fermes industrielles où ils ne peuvent quasiment pas bouger. Ils vivent dans leurs propres excréments, sans accès à l’air frais, à l’herbe ou à la lumière naturelle. Même les fermes étiquetées « élevage en plein air » ne sont parfois qu’un prétexte, offrant un petit espace extérieur bétonné où seuls quelques poulets peuvent accéder à la fois.
Ces conditions sont aggravées par des modifications génétiques qui favorisent une croissance rapide. Les poulets d’aujourd’hui atteignent une taille cinq fois supérieure à celle des années 1950, mais en un temps similaire. Cette croissance fulgurante cause des douleurs chroniques, des défaillances d’organes et des malformations osseuses. Un poulet sur dix meurt avant même d’atteindre ses sept semaines de vie.
Les mères reproductrices connaissent un sort encore plus cruel. Pour survivre assez longtemps afin de pondre, elles sont soumises à un régime de famine forcée, car leur génétique programmée pour une croissance rapide les conduirait sinon à la mort prématurée. Comme le souligne Cynthia Schuck-Paim, directrice scientifique du Welfare Footprint Institute, « peu de gens réalisent que la souffrance commence bien avant la naissance des poussins, avec les conditions de vie de leurs mères ».
Le Better Chicken Commitment
Face à cette situation, des initiatives émergent. L’une d’elles, adoptée en Europe en 2016, est le Better Chicken Commitment (BCC), une politique basée sur plus de 150 études scientifiques. Ce programme propose six mesures simples, qui consistent à utiliser des races de poulets à croissance plus lente, à leur donner plus d’espace et de lumière naturelle, à enrichir leur environnement avec des matériaux pour gratter et picorer, et à améliorer les conditions d’abattage.
Loin d’être une utopie coûteuse, le BCC s’appuie sur des solutions réalistes qui réduisent considérablement la souffrance animale. En résumé, il faut ralentir la croissance, limiter la surpopulation, encourager les comportements naturels et assurer une mort moins douloureuse. Ces changements, bien qu’apparemment modestes, transforment profondément la vie de milliards de poulets chaque année.
Ces ajustements limitent les souffrances des poulets tout en réduisant leur exposition aux maladies. Selon le Livre blanc de l’UE sur le bien-être des poulets de chair, « le prix du poulet bon marché se paie par des souffrances massives. Cependant, il existe des alternatives viables et plus éthiques. »
Mesurer la douleur comme on mesure l’empreinte carbone
L’étude, publiée dans la revue Nature Food, utilise le cadre d’analyse développé par le Welfare Footprint Institute pour quantifier l’impact des politiques comme le BCC sur le bien-être animal. À l’image de l’empreinte carbone utilisée pour mesurer l’impact environnemental de nos choix alimentaires, les chercheurs ont développé un outil appelé Welfare Footprint Framework. Ce système évalue à la fois l’intensité et la durée des expériences négatives subies par les animaux afin de produire une mesure précise, exprimée en termes de douleur évitée par unité de viande.
Les résultats sont frappants : adopter des races à croissance plus lente peut éviter entre 15 et 100 heures de souffrance intense par poulet, pour un coût d’environ 1 dollar par kilogramme de viande. Cela équivaut à 45 cents par livre, un investissement minime pour de telles améliorations. Comme l’explique Kate Hartcher, co-auteure de l’étude, « il ne s’agit pas de valeurs abstraites. Ces chiffres permettent de placer le bien-être animal sur un pied d’égalité avec d’autres priorités sociales et politiques. »
Réduire la demande mondiale de viande de poulet reste un défi colossal. Cependant, les chercheurs espèrent que cette analyse encouragera des réformes significatives. En rendant les impacts sur le bien-être animal plus compréhensibles grâce à des mesures concrètes, ils souhaitent que ces animaux ne soient plus laissés pour compte dans les débats sur la durabilité et l’éthique. Par ailleurs, L214 dévoile les images choquantes de millions de cadavres de poulets enterrés dans une fosse.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: IFL Science
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