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Population en chute, biodiversité en péril : l’étrange paradoxe observé dans les campagnes japonaises

Au Japon, certaines zones rurales voient leur population humaine décliner rapidement. Pourtant, au lieu de laisser la nature reprendre ses droits, la biodiversité y continue de s’effondrer. Une contradiction qui interroge les modèles écologiques préexistants.

Maison traditionnelle isolée dans un paysage rural brumeux, entourée de champs et de forêt en arrière-plan
Une maison traditionnelle se dresse seule dans la brume : un décor rural qui se vide lentement de ses habitants – DailyGeekShow.com / Image Illustration

Moins d’humains, mais aussi moins d’espèces : quand la nature ne profite pas du dépeuplement

Depuis les années 1990, plusieurs régions rurales du Japon connaissent une forte baisse démographique. Là où l’on aurait pu espérer un regain de biodiversité, les données montrent le contraire. Une étude inédite, publiée dans Nature Sustainability, s’est penchée sur plus de 1,5 million d’observations de la faune et de la flore réalisées dans 158 sites agricoles, boisés ou périurbains du pays.

Les espèces observées ? Oiseaux, papillons, grenouilles, lucioles, et plus de 2 900 plantes. Et le constat est clair : la biodiversité diminue même là où la population humaine diminue. Seules les zones à démographie stable résistent mieux. Mais elles sont rares, et elles aussi vouées à un déclin imminent.

Contrairement à Tchernobyl, où la nature a repris ses droits après une désertion brutale, le dépeuplement japonais est progressif, diffus. Et cette lenteur empêche une réelle renaturation spontanée.

Quand l’abandon humain devient un frein à la biodiversité : un paradoxe contre-intuitif

Dans les campagnes japonaises, l’humain joue un rôle central dans l’équilibre écologique. Les pratiques agricoles traditionnelles — gestion des taillis, rizières inondées, vergers à faible rendement, créent des habitats variés, propices à une riche biodiversité. Leur disparition prive donc les espèces locales de leurs niches.

En parallèle, les terres à l’abandon deviennent le terrain de jeux des espèces invasives. Certaines plantes envahissantes assèchent les rizières et étouffent la flore autochtone. De plus, les maisons vacantes (akiya), les infrastructures obsolètes et les terrains mal entretenus s’accumulent, sans pour autant laisser place à des espaces naturels exploitables.

Autrement dit : moins d’humains ne signifie pas plus de nature, si le dépeuplement n’est pas accompagné d’une gestion écologique.

Une modernisation déconnectée de la réalité : plus de logements, moins de vie

Malgré la baisse de population, le bâti continue de croître. En 2024, près de 790 000 logements ont encore été construits au Japon. Pourquoi ? Parce que la répartition des ménages change, avec plus de personnes seules, de mobilité, et des besoins différenciés.

Conséquence : des zones entrièrement désertées côtoient des quartiers flambant neufs. Et avec eux, leur lot de routes, parkings, centres commerciaux, supérettes… Le tout grignote peu à peu les terres naturelles.

Même dans le déclin, l’empreinte humaine s’étale. Là encore, ce n’est pas la densité humaine qui pose problème, mais la façon dont l’espace est utilisé.

Restaurer la biodiversité dans un Japon qui vieillit : une urgence et une opportunité

Pour les chercheurs, le dépeuplement peut être un levier environnemental, à condition d’être accompagné. Il faut passer d’une logique d’abandon à une politique active de renaturation. Cela implique de permettre aux collectivités de convertir les terres délaissées en zones naturelles gérées localement.

Les projets de restauration sont encore trop rares. Et pourtant, dans un contexte de crise écologique mondiale, le Japon pourrait devenir un laboratoire d’initiatives vertes : forêts communautaires, corridors écologiques, agriculture à biodiversité positive…

Plutôt que de construire pour une population qui diminue, pourquoi ne pas investir dans la croissance de la nature ? Moins de routes, plus d’arbres. Moins de béton, plus de zones humides. Bien géré, le déclin pourrait devenir une seconde chance pour la biodiversité.

Par Eric Rafidiarimanana, le

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