Si des disparités entre les données officielles chinoises et celles des ambassades américaines concernant la pollution de l’air dans plusieurs villes du pays avaient été précédemment rapportées, une analyse statistique indépendante révèle aujourd’hui l’ampleur de la manipulation.
D’importants écarts
Dans le cadre de travaux présentés dans la revue PLOS One, des chercheurs des universités d’Harvard et de Boston ont examiné les données des stations de surveillance officielles chinoises ainsi que les relevés effectués par les ambassades américaines dans cinq des principales villes du pays : Pékin, Shenyang, Shanghai, Guangzhou et Chengdu. Ce qui leur a permis de mettre en évidence d’importantes disparités concernant les quantités de particules fines PM2,5 (liées au cancer du poumon, à l’asthme et aux maladies cardiaques) relevées.
Après avoir scruté les données collectées entre 2015 et 2017, date à laquelle les États-Unis ont cessé leurs relevés, l’équipe a remarqué un nombre statistiquement improbable de jours où les niveaux de pollution se situaient juste en dessous de la limite fixée par les autorités chinoises, ayant créé une indice « ciel bleu » pour lequel des valeurs égales ou inférieures à 99 étaient considérées comme « acceptables ».
« Les jours où l’indice était proche de 100, celui-ci était sensiblement abaissé », explique Jesse Turiel, co-auteur de l’étude. « Cela était clairement visible dans les données, avec une bulle très évidente se situant juste en dessous de 100 et une très faible proportion de jours atteignant ce seuil. »
Selon les scientifiques, les disparités entre les données collectées étaient 40 % trop fréquentes pour être dues au hasard, avec des relevés chinois se révélant largement inférieurs aux relevés américains dans 63 % des cas. Ceux-ci ont également noté que les écarts les plus conséquents intervenaient généralement les jours où la pollution était la plus forte, c’est-à-dire lorsque ses effets sur la santé étaient les plus graves.
Des sanctions aux effets difficilement quantifiables
En 2017, le ministère chinois de l’Environnement avait annoncé que 1 140 responsables avaient été « tenus de rendre des comptes », après avoir enfreint les règles en vigueur en matière de pollution. L’année suivante, il avait déclaré avoir détecté des manipulations de données pour sept villes du pays.
En l’absence de données de l’ambassade américaine pour la période post-2017, les auteurs de l’étude ignorent si les mesures prises ont mis fin au problème, mais des éléments suggèrent que la qualité de l’air dans les villes chinoises s’est globalement améliorée pendant la période étudiée. Une étude américaine ayant notamment montré que les concentrations annuelles de PM2,5 avaient diminué de plus de 25 % entre 2013 et 2017.
Pour Turiel, il s’agit de la première analyse statistique robuste à exclure la possibilité que de telles disparités aient été dues au hasard. À l’avenir, l’approche employée pourrait être utilisée par les gouvernements afin de mettre en évidence d’éventuelles manipulations de données.
Par Yann Contegat, le
Source: New Scientist
Étiquettes: chine, air, pollution
Catégories: Écologie, Actualités