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Petrus Gonsalvus, ou la véritable histoire de la Belle et la Bête

Lorsque vous pensez à la Belle et la Bête, ce sont probablement les images du film d’animation produit par Disney en 1991 qui vous viennent directement à l’esprit. Mais saviez-vous que le personnage de la Bête dans la version du conte de fée publiée en 1740 par Gabrielle-Suzanne Barbot de Villeneuve était probablement inspiré de la vie de Petrus Gonsalvus ?

UN « SAUVAGE » À LA COUR DU ROI

L’histoire commence au milieu du XVIe siècle en France, durant la nuit du couronnement du roi Henri II. Selon les recherches menées par la Smithsonian Channel pour le documentaire « The Real Beauty and the Beast », le roi reçoit ce soir-là un cadeau bien inhabituel : il s’agit d’un « sauvage » enfermé dans une cage.

Dans la mythologie médiévale européenne, les « hommes sauvages » sont dépeints comme des créatures couvertes de poils, mi-hommes, mi-animaux. On pense également à l’époque qu’ils deviennent féroces la nuit venue, et dévorent vivants les enfants. Ainsi, on comprend mieux pourquoi l’arrivée d’un présumé « sauvage » suscite tant d’émoi au sein de la cour du roi.

Henry II est sacré roi de France le 26 juillet 1547 à Reims

La « créature » est ensuite conduite dans un donjon du château pour y être observée par les médecins de la cour, qui estiment après un examen approfondi que celle-ci n’est en réalité qu’un petit garçon dont le visage et les membres sont couverts de poils épais et soyeux : une maladie génétique rare aujourd’hui connue sous le nom d’hypertrichose congénitale.

Pedro Gonzales, dit Petrus Gonsalvus (1537-1618)

Originaire des îles Canaries, le petit garçon en question s’appelle Pedro Gonzales et a été arraché à sa famille pour être vendu à prix d’or à des nobles espagnols. Au XVIe siècle, posséder ce genre de « curiosité » est un symbole de prestige, et on comprend aisément pourquoi Gonzalez a été offert au roi de France lors de son sacre.

Henri II ne tarde pas à se prendre d’affection pour le garçon, que l’on appelle désormais Petrus Gonsalvus, et fait en sorte que celui-ci reçoive la même éducation que les nobles du royaume et obtienne également une place de choix à la cour. À la mort du roi en 1559, Catherine de Médicis, sa veuve, devient régente et ordonne que Petrus se marie afin de savoir s’il transmettra son étrange condition à ses enfants.

C’est ainsi que Petrus épouse une certaine Catherine (une femme de la cour dont on ne connait pas le patronyme) alors qu’il est âgé d’une vingtaine d’années. Et bien que les premiers enfants du couple ne semblent pas souffrir d’hypertrichose, les historiens estiment qu’au moins quatre d’entre eux étaient frappés par cette étrange maladie congénitale.

PETRUS ÉPOUSE CATHERINE ET QUATRE DE LEURS SEPT ENFANTS SERONT ATTEINTS D’HYPERTRICHOSE

Catherine, Petrus et leurs enfants parcourent ensuite l’Italie et font sensation partout où ils passent. À l’époque, les tableaux de la famille Gonsalvus (représentée en tenue de cérémonie contrastant largement avec l’apparence hirsute de certains de ses membres) sont souvent offerts comme cadeaux dans la haute société italienne.

Portrait de Petrus Gonsalvus et de sa femme Catherine par Joris Hoefnagel (1575)

Les Gonsalvus s’installent ensuite à Parme sous la tutelle financière du duc Ranuce de Farnèse, où ils vivent une existence assez peu enviable. Considérés comme des animaux de compagnie par les nobles italiens, les enfants du couple souffrant d’hypertrichose sont considérés comme des présents prestigieux, ce qui va même pousser le duc à « offrir » Antoinetta Gonsalvus à sa maîtresse Isabella Pallavicina.

Portrait de Tognina Gonsalvus, l’une des filles de Petrus également atteinte d’hypertrichose (1583)

Quelques années plus tard, Petrus et Catherine finissent par s’installer à Capodimonte, où ils mènent ensuite une existence enveloppée de mystère jusqu’à leur mort. Tout juste sait-on que Petrus serait décédé en 1618, et les historiens pensent qu’il aurait continué à être considéré comme une bête jusqu’à sa mort, étant donné qu’il n’était pas mentionné dans le registre des décès de la ville, où seuls les noms de personnes ayant reçu les dernières sacrements figuraient.

Catherine serait quant à elle décédée cinq ans plus tard, et bien que l’emplacement de leurs tombes reste encore aujourd’hui inconnu, les peintures représentant les membres de la famille Gonsalvus constituent aujourd’hui le témoignage historique de leur existence le plus évident. Celles-ci peuvent être admirées dans l’une des salles du Château d’Ambras, abritant une collection de « bizarreries » créée par Ferdinand II, archiduc d’Autriche qui régna au XVIe siècle.

Bien que l’on ne puisse l’affirmer avec certitude, beaucoup d’historiens estiment que le couple Gonsalvus a constitué avec le mythe de Cupidon et Psyché l’une des principales influences de la version française de la Belle et la Bête, qui fut publié pour la première fois en 1740.

SELON DE NOMBREUX HISTORIENS, LE COUPLE GONSALVUS A CONSTITUÉ AVEC LE MYTHE DE CUPIDON ET PSYCHÉ L’UNE DES PRINCIPALES INFLUENCES DU CONTE DE LA BELLE ET LA BÊTE

Le film d’animation de Disney est basé sur la version française de La Belle et la Bête, écrite par Gabrielle-Suzanne Barbot de Villeneuve et publiée en 1740

Si cette version du conte écrite par Gabrielle-Suzanne Barbot de Villeneuve au XVIIIe siècle et la plupart de ses adaptations cinématographiques mettent en avant l’histoire d’une Bête se transformant en prince charmant grâce au pouvoir de l’amour, l’union de Catherine et Petrus ne connut pas une telle issue, mais les représentations de l’époque les dépeignaient comme un couple aimant et heureux, en dépit de leur condition peu enviable et de la manière dont la haute société européenne les percevait.

Pour aller plus loin, découvrez également la vie tragique d’Annie Jones, la vedette du cirque Barnum qui se battit pour les droits des monstres de foire, et celle de Julia Pastrana, qui souffrait également d’hypertrichose.

Par Yann Contegat, le

Source: The Portalist

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