L’ouïe, la vue, le goût… Autant de sens que les êtres vivants ont et qui nous sont très utiles. Mais il en est parmi nos sens qui est peut-être encore plus utile et qui nous rattache à ce qu’il y a de plus animal en nous, c’est l’odorat. Des études récentes tendent hélas à démontrer que nous perdons de plus en plus de nos gènes olfactifs…
L’humain perd de son odorat
Dans des décennies, à quoi ressemblera l’homme ? Sera-t-il dépourvu de ses sens ? C’est une question que des scientifiques se sont posés, notamment à propos de l’odorat. Ce sens si important qui nous permet de distinguer bonnes et mauvaises odeurs est en mauvaise posture… Sur les 950 gènes constituant notre système olfactif, seuls 350 sont encore fonctionnels. Ce qui est peu. De fait, l’humain a donc perdu environ 38 % de ses gènes concernant l’odorat. Ces gènes perdus sont nommés gènes fossiles ou pseudogènes. Si cette pseudogénisation touche d’autres espèces, elle est particulièrement massive chez l’homme. Alors que chez les autres primates comme le babouin, le gorille ou l’orang-outang, le taux de pseudogènes oscille entre 20 et 30 %, les humains ont vu leur capacité olfactive encore plus diminuer.
D’après le neuroscientifique André Holley, ce déclin olfactif est en partie dû à l’évolution du rôle et de la fonction de l’odorat au sein de notre espèce : « Si une espèce peut perdre beaucoup de gènes de récepteurs olfactifs sans voir son avenir compromis, c’est qu’elle n’a plus un besoin crucial des fonctions auxquelles ces gènes étaient autrefois associés », explique t-il. De l’échelle de l’évolution à l’échelle de notre pollution, il est encore difficile de raccorder tous les liens et prédire jusqu’où ira l’érosion de notre odorat.
Notre odorat soumis à rude épreuve
Pour Denis Perron, chercheur en physiopathologie, il n’existe pas de « base olfactive minimum et autosuffisante » permettant la subsistance du système olfactif. En clair, ce déclin pourrait encore se prolonger. Ne plus utiliser notre nez comme le faisaient nos ancêtres chasseurs-cueilleurs pour leur survie est une chose, mais en affaiblissons-nous aujourd’hui radicalement les performances ? Plusieurs réponses sont avancées…
Si le processus de pseudogénisation s’évalue sur une échelle de plusieurs millions d’années, l’endommagement provoqué par un environnement citadin pollué nécessite malheureusement très peu de temps pour aggraver la situation. De fait, notre système olfactif est un véritable filtre. Appelé l’épithélium olfactif, la muqueuse de notre nez a une fonction vasculaire essentielle car elle permet ou non la diffusion dans notre corps de molécules toxiques. Pour illustrer cela, Robyn Hudson a réalisé une étude au Mexique, où les concentrations de plomb et d’ozone dans l’air sont les plus élevées du monde. Les résultats, sans appel, montrent qu’un habitant sur cinq est victime d’un dérèglement olfactif grave et n’est plus sensible à des senteurs standards comme la cannelle, la pomme ou la banane. Pour certains parents, il devient même difficile de faire la différence entre un lait sain et un lait tourné…
Si elle n’est pas pour le moment handicapante, la perte de ces gènes olfactifs pourraient à terme poser davantage problèmes et nous empêcher de déceler un danger pour notre corps, comme un aliment périmé ou plus grave encore, une odeur de brûlé indiquant un possible début d’incendie. Il ne fait aucun doute que l’homme doit essayer de préserver ses sens au maximum, s’il souhaite vivre encore longtemps.
Par Thomas Le Moing, le
Source: WE demain
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