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Pendant 3 000 ans, l’Égypte s’appelait autrement : découvrez les noms qu’on a tenté d’effacer

Caravane de chameaux devant les pyramides de Gizeh en Égypte
Traversée du désert en direction des pyramides de Gizeh, un panorama emblématique de l’Égypte antique et moderne.

Comment un même territoire peut-il changer trois fois de nom, sans jamais perdre son identité ? Je vous embarque pour un voyage au fil des siècles, entre limons du Nil, temples de pierre et versets coraniques.

Car oui, l’Égypte ne s’est pas toujours appelée Égypte. Avant que les Grecs ne posent leurs sandales sur cette terre, les habitants la connaissaient sous un tout autre nom. Et le monde arabe en a, lui aussi, redéfini les contours linguistiques.

Alors, on remonte le temps.

Kemet : un nom enraciné dans la terre fertile du Nil

Imaginez. Vous marchez pieds nus au bord du Nil, quelque part vers 3000 av. J.-C.. Sous vos orteils, une terre sombre, grasse, fertile : le limon. C’est de là que vient le nom Kemet (« la Terre noire »), que les anciens Égyptiens donnaient à leur pays.

Felouques naviguant sur le Nil au coucher du soleil en Égypte
Navigation traditionnelle sur le Nil, artère vitale de l’Égypte depuis l’Antiquité, entre verdure abondante et montagnes désertiques.

Rien de mystique ici : juste un hommage à ce sol qui transformait les crues du Nil en miracles agricoles. Kemet, c’est le royaume vivant, à l’opposé de Desheret, « la Terre rouge » des déserts mortels.

Mais Kemet, c’est plus qu’un mot : c’est une manière de voir le monde. Un peuple uni par son fleuve, une fertilité érigée en bénédiction divine, et une couleur — le noir — porteuse de vie, à rebours de nos symboliques occidentales. Pendant près de deux millénaires, c’est ce nom qui domine, dans les textes, sur les monuments, dans les cœurs.

Aigyptos : un nom hérité des Grecs et du temple de Memphis

En 332 av. J.-C., changement de décor. Alexandre le Grand entre en Égypte, et avec lui, la langue grecque. À partir de là, Kemet disparaît peu à peu du vocabulaire.

Les Grecs parlent d’Aïgyptos (Αἴγυπτος), un mot mystérieux qui viendrait, selon les historiens, de Hwt-Ka-Ptah (« le temple du ka de Ptah »), l’un des lieux saints de Memphis.

Le mot passe ensuite en latin sous la forme Aegyptus, puis devient « Égypte » dans les langues modernes. Ce n’est plus le pays du limon noir, mais celui des pyramides, des pharaons, des temples à colonnades. L’imaginaire a donc changé de point de vue.

C’est désormais une Égypte vue par les autres, depuis l’extérieur, fascinante mais déjà muséifiée.

Miṣr : un nom arabe pour une Égypte vivante et actuelle

Statue dorée égyptienne avec vautour sacré devant une fresque gravée
Sculpture rituelle en or dans la tombe de Toutânkhamon, symbolisant la protection divine par la déesse Nekhbet, ici représentée par le vautour royal — AsiaTravel / Shutterstock.com

Avance rapide : an 641. L’Empire arabe entre à son tour en Égypte. Dès lors, nouvelle langue, nouvelle culture, nouveau nom : Miṣr (مصر).

En arabe classique, cela veut dire à la fois « pays », « cité » et « province ». C’est un mot qui dépasse la géographie : il exprime une appartenance, une réalité politique, une identité musulmane en formation.

Aujourd’hui encore, Miṣr est le nom officiel de l’Égypte en arabe, sous sa forme longue : Jumhūriyyat Miṣr al-ʿArabiyya (« République arabe d’Égypte »). Ainsi, on est loin de Kemet et de ses limons, mais le pays, lui, est resté au même endroit. C’est juste notre manière de le regarder qui a changé.

Ce que ces noms révèlent de l’histoire égyptienne

Chaque nom porté par l’Égypte, Kemet, Aigyptos, Miṣr, nous raconte une époque, une vision du monde, une relation entre une terre et ceux qui l’habitent.

Kemet parle d’une nature nourricière, d’un peuple uni par le fleuve. Aigyptos reflète le regard grec, puis romain, sur une civilisation devenue légende. Miṣr incarne une identité moderne, arabe, toujours vivante.

Alors, vous l’appelez comment, vous ? Dans tous les cas, ces noms sont comme des couches de temps empilées, et chacun raconte une histoire différente de ce même sol.

Par Eric Rafidiarimanana, le

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    • Bonjour Debbih,

      Je serais ravi d’en savoir plus, car suite à quelque recherche et une demande à différente IA :

      L’affirmation « Miss Ra » signifierait fils de Ra, Dieu Soleil en amazighe (berbère) n’est pas exacte, ni en arabe ni en amazighe. Voici une analyse plus précise :

      1. « Miss Ra » n’est pas un nom d’origine arabe
      C’est vrai. Ce nom ne correspond à aucun mot ou construction courante en arabe classique ou dialectal. Il ne signifie rien de clair en arabe.

      2. Est-ce un nom amazighe ?
      En amazigh, la structure grammaticale est différente. Le mot « Miss » ne veut pas dire « fils de ».

      Le mot « fils » en amazighe peut se dire « Ayyi », « U » (comme dans « U-Musa » = fils de Moussa).

      « Ra » ne correspond pas non plus à un mot berbère courant.

      3. « Ra » comme dieu soleil
      « Ra » est effectivement le dieu-soleil égyptien dans la mythologie antique (Égypte pharaonique).

      En ce sens, « Ra » n’est pas un mot arabe ni amazighe, mais égyptien ancien.

      Conclusion :
      ❌ « Miss Ra » n’est pas une expression amazighe authentique signifiant « fils du Dieu soleil Ra ».
      ✅ Cela est plutôt une construction moderne ou artistique, inspirée de la mythologie égyptienne (Ra) avec un mot anglophone (« Miss ») ou une interprétation libre.

      Je serais ravis d’avoir ton avis, et peut être d’autres personnes qui pourrait apporter de la valeur à cette échange 🙂

    • Réponse à Julien
      La construction du mot en amazigh est: mmi-s n Ra.= Fils de Ra. Les arabes porteurs de l’islam au bout de leurs epées avaient désigné ce pays par un nom suggérant une religion autre que la leur, ( adorateur du soleil= mécréant ) ; pour légitimer la conquête. Il y a seulement omission de la particule d’appartenance: N.