À 3 000 mètres au-dessus du niveau de la mer, un mystère ornithologique a pris forme. Ce cas intrigue les chercheurs, car il pourrait bien représenter le record de prédation d’oiseaux à la plus haute altitude jamais enregistrée. C’est en analysant les déplacements d’un pluvier argenté que les indices ont commencé à s’accumuler, pointant vers un coupable probable : le faucon pèlerin, l’oiseau le plus rapide du monde. Les résultats de l’étude sont publiés dans la revue Ecology.
Interruption soudaine du vol
L’histoire débute avec un pluvier argenté, un oiseau migrateur qui effectue chaque année un long voyage depuis l’Arctique vers le sud. Dans le cadre d’une étude sur les comportements migratoires, des chercheurs ont équipé ce pluvier d’une balise GPS afin de suivre ses déplacements. Huit autres pluviers ont également été marqués dans le cadre de ce projet lancé en janvier 2023. L’objectif principal de cette étude consistait à analyser les raisons qui poussent les oiseaux migrateurs à voler à des altitudes aussi élevées. Une des hypothèses suggère que cette hauteur pourrait les protéger de certains prédateurs. Mais, comme les événements allaient le montrer, même une altitude vertigineuse ne suffit pas toujours pour échapper aux prédateurs les plus rapides.
Les premiers indices sur le drame en vol sont apparus dans la soirée du 27 mai 2023. Il était 21h58, heure locale, lorsque la balise GPS du pluvier argenté a montré une interruption soudaine dans son vol migratoire. D’après les chercheurs, l’oiseau se trouvait alors à une altitude de 2 882 mètres, bien au-dessus du niveau de la mer. Les balises utilisées dans cette étude sont équipées d’accéléromètres qui permettent de déterminer si l’oiseau est en mouvement ou immobile. Ce jour-là, l’oiseau avait subi une chute abrupte de son altitude habituelle, une situation qui n’avait rien de banal et qui a immédiatement éveillé les soupçons de l’équipe de recherche.
En récupérant les données GPS, les chercheurs ont remarqué que la position de l’oiseau avait changé de manière significative peu de temps après cet événement, se retrouvant à environ 8 kilomètres de l’endroit où il avait été enregistré pour la dernière fois. Cette distance considérable en si peu de temps a conduit les chercheurs à une seule conclusion : un prédateur rapide et efficace avait dû attaquer le pluvier argenté.
Un faucon pèlerin en embuscade
Les indices qui suivaient cette disparition semblaient mener directement vers un suspect : le faucon pèlerin. Cette espèce est réputée pour être l’une des plus agiles et des plus rapides, capable de plonger à des vitesses atteignant 320 km/h lorsqu’elle chasse. Lorsqu’ils ont récupéré la balise GPS, les chercheurs ont aussi découvert les restes de l’oiseau disparu non loin d’un nid de faucon pèlerin, renforçant encore l’hypothèse d’une attaque. Les données ont également révélé que le pluvier argenté avait accéléré juste avant sa chute, suggérant qu’il avait peut-être détecté son agresseur et tenté de fuir en vain.
Ainsi, toutes les preuves disponibles pointent vers le faucon pèlerin comme étant le coupable de ce « crime aérien ». Ce prédateur, parfaitement adapté à la capture d’autres oiseaux en vol, semble avoir chassé le pluvier argenté dans les hauteurs, marquant un record dans le domaine de la prédation aviaire à haute altitude.
Remise en cause de la stratégie migratoire
L’incident relance la question de la raison pour laquelle certains oiseaux migrateurs volent si haut. Traditionnellement, les scientifiques pensaient que cette altitude permettait aux oiseaux de minimiser les risques de prédation tout en réduisant la fatigue et la surchauffe pendant leur migration. Or, l’étude des chercheurs remet en question cette hypothèse car même à une altitude de près de 3 000 mètres, certains oiseaux semblent toujours exposés à la menace de prédateurs spécialisés comme le faucon pèlerin.
Les chercheurs espèrent que des études plus poussées sur la migration et la prédation permettront de comprendre dans quelles conditions les oiseaux pourraient vraiment échapper à ces attaques, notamment en exploitant des balises de suivi de haute résolution. Si certains oiseaux choisissent effectivement de voler à des altitudes extrêmes pour se protéger, cet événement montre que ce n’est pas toujours une garantie de sécurité.
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