Nos ancêtres ne sentaient probablement pas bon, mais sentaient-ils bien ? Pour le découvrir, des chercheurs ont cultivé des récepteurs olfactifs des Néandertaliens et des Dénisoviens, et comparé leur sensibilité à différentes odeurs à celle des humains modernes.
Recréer des récepteurs olfactifs en laboratoire pour étudier l’odorat de Néandertal
Pendant des centaines de milliers d’années, Homo sapiens a côtoyé d’autres espèces d’humains avec lesquelles il s’est occasionnellement croisé : les Néandertaliens, qui vivaient dans toute l’Europe et une partie de l’Asie, et les Dénisoviens que l’on trouvait en Russie et en Asie du Sud-Est. Afin d’en apprendre davantage sur leur mode de vie, des chercheurs des universités Paris-Saclay et Duke ont cultivé des récepteurs olfactifs de ces deux espèces archaïques en laboratoire, puis les ont exposés à différentes odeurs afin de comparer leur odorat au nôtre.
L’équipe a commencé par consulter les bases de données des génomes des différentes espèces, notamment celles constituées par le lauréat du prix Nobel 2022, Svante Pääbo. Une comparaison des gènes de récepteurs d’odeurs spécifiques à ceux des humains modernes a ensuite été réalisée pour déterminer l’ampleur des différences entre chacun d’eux. Trente récepteurs olfactifs de chaque hominidé ont ensuite été cultivés en laboratoire, et exposés à diverses odeurs.
Si les récepteurs détectaient généralement les mêmes odeurs, leur sensibilité à ces dernières différait assez largement de la nôtre. Ceux des Néandertaliens étaient ainsi nettement moins sensibles aux odeurs épicées, sucrées, mentholées et florales, ainsi qu’aux odeurs de sueur et d’urine, ce qui leur aurait sans doute été bénéfique dans un monde où les routines d’hygiène quotidiennes n’existaient pas.
Des différences beaucoup plus marquées chez les Dénisoviens
Les différences en matière de réponse olfactive étaient largement plus marquées chez les Dénisoviens : moins sensibles aux parfums floraux, leurs récepteurs détectaient quatre fois plus efficacement les odeurs « sulfureuses », et jusqu’à trois fois les parfums « balsamiques », odeurs sucrées et profondes comme celles de la vanille et du chocolat. Ceux-ci s’avéraient également plus sensibles à l’odeur du miel, mets qu’ils auraient potentiellement privilégié en raison de sa haute valeur énergétique.
« Nous ne savons pas ce que les Dénisoviens mangeaient précisément, mais la sensibilité exacerbée de leurs récepteurs à certaines odeurs est révélatrice », explique Hiroaki Matsunami, co-auteur de la nouvelle étude, publiée dans la revue iScience. « Chaque espèce doit faire évoluer ses récepteurs olfactifs pour maximiser sa capacité à trouver de la nourriture. Chez les humains, c’est plus compliqué parce que nous mangeons beaucoup de choses. Nous ne sommes pas vraiment spécialisés. »
Selon le scientifique, ce protocole expérimental contribuant à éclairer la génétique et le comportement de nos ancêtres pourrait également être utilisé afin d’étudier la variation génétique de la sensibilité aux odeurs entre les individus chez les humains modernes.
Par Yann Contegat, le
Source: New Atlas
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