Projeté en avant-première au Festival du Film Américain de Deauville, Mother ! n’a laissé personne indifférent. Le dernier film de Darren Aronofsky est une expérience sous acide, une plongée dans les abysses. Si vous pensiez que Requiem for a dream et Black swan vous avaient traumatisé, vous n’avez encore rien vu…

Un casting 5 étoiles

Pas besoin de dépenser des mille et des cent dans le budget com’ pour vendre un film réalisé par Darren Aronofsky, où le haut de l’affiche est tenu par Jennifer Lawrence (Hunger games, Happiness therapy) et Javier Bardem (Skyfall, No country for old men). Et nous ne parlons pas de la participation, hélas trop furtive, de Michelle Pfeiffer (Scarface, Sam je suis Sam), et Ed Harris (Appaloosa, A History of violence). Le casting parle de lui-même : nous avons l’insigne honneur de découvrir des acteurs doués ET bankables dans un film qui s’annonce comme un gros – GROS – thriller psychologique.

Et la performance est au rendez-vous : Javier Bardem est hypnotique dans la peau de ce poète atteint du syndrome de la page blanche, en quête d’éternelle reconnaissance ; Michelle Pfeiffer, cette inconnue malintentionnée au sourire de façade, est électrisante ! Et Jennifer Lawrence, qui a hérité d’un rôle de composition, joue tour à tour la tristesse, le désespoir, la colère : toute la panoplie des émotions humaines en somme. Les acteurs font le travail, c’est indéniable. Mais ce n’est pas assez pour nous faire oublier un scénario… cataclysmique.

 

Les 5 journées de Darren

Le public du Festival du Film Américain de Deauville a rendu un hommage enfiévré au réalisateur de Pi. Depuis son pupitre, la statuette célébrant ses 20 années de carrière dans une main, il a rapidement évoqué la genèse de Mother ! : « D’habitude, je mûris un script plusieurs années, mais pas là. J’ai mis 5 jours pour l’écrire. En 5 jours, il était prêt ». Une annonce qui n’a pas du tout enflammé l’auditoire. Au contraire, la crainte s’est lue sur certains visages… Et Darren Aronofsky de conclure son discours sous les rires gênés de l’assistance : « Vous m’aimez maintenant, vous m’applaudissez. Mais après le film, vous me détesterez ». Il avait raison.

Lors de l’avant-première parisienne, des sifflets ont été entendus, des spectateurs ont même quitté la salle en pleine projection. Rien de tout cela à Deauville. Le public est resté jusqu’au bout, arborant parfois des mines effarées et riant sous cape devant ce film complètement what the fuck. Le scénario est un gigantesque foutoir : ça part dans tous les sens ! Aronofsky nous oriente d’abord vers un drame relationnel; mais non, en fait la maison est hantée, rongée par de mystérieuses taches rouges… Virage à 360° : en fait non, c’est un thriller angoissant avec un couple d’inconnus autorisés à taper l’incruste grâce au mari sans inspiration ! Impossible d’en dire davantage, je ne voudrais pas vous « spoiler » la déception de cette fin d’année !

 

Aide-toi et le ciel t’aidera

Jusqu’à présent, Darren Aronofsky avait toujours su remporter les suffrages de la presse et du public. Bon OK, presque toujours… En 2014, Noé avait divisé la critique, mais pour de bonnes raisons : dénoncer l’aveuglement fanatique d’un des prophètes bibliques les plus révérés n’a pas plu à tout le monde ! En 2017, ce consensus vieux de 20 ans est sur le point de voler en éclat avec la sortie de Mother ! . A l’instar d’un Winding Refn (exception faite de Drive), ou d’un Terrence Malick (époque The Tree of Life), on aime ou on déteste – le juste milieu n’existe pas. Aronofsky semble s’être d’ailleurs inspiré du travail d’habitués des réactions épidermiques, comme Malick et Lars Von Trier (Melancholia), pour parachever son oeuvre.

Mother ! suinte le mystère et l’inexpliqué. C’est là son plus gros défaut, mais aussi sa plus grande qualité – question de point de vue. N’espérez pas une quelconque grille de lecture de la part du réal’ ou du scénar’ : il n’y en a pas. Cette expérience sensorielle à travers la psyché d’Aronofsky est un traumatisme longue durée : pendant 2 heures, il vous secoue, vous rudoie comme une vulgaire poupée de chiffon, pour mieux vous laisser en plan devant un final aussi grandiose que libérateur. Vous voilà seuls face aux éléments d’intrigue demeurés sans explication, à vos questions sans réponse, et votre frustration de ne pas avoir vu le film que la BA vous avait vendu. Malgré un scénario chaotique et un rythme très inégal, Mother ! a toutefois le mérite de nourrir la réflexion des spectateurs tant les lectures qu’on peut en faire se comptent par dizaines. Faites chauffer vos neurones, vous n’êtes pas prêts.

Elle Fanning dans The Neon Demon de Nicolas Winding Refn
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