« Le climat semble favorable » à l’utilisation de drogues dures comme traitement médical pour certaines maladies résistantes aux meilleurs médicaments actuels, a déclaré à Davos, Robin Carhart-Harris, directeur de la recherche au centre de neurosciences et de pharmacologie au London Imperial College. Une ouverture qui peut sembler surprenante, mais qui a déjà fait ses preuves par le passé. Explications.

De précédentes expérimentations à succès

En effet, c’est loin d’être la première fois que les médecins et les pharmacologues s’interrogent sur les bienfaits médicaux des substances psychédéliques pour certaines pathologies. Certains essais ont été réalisés pour des pathologies que l’on croyait sans remède, tout particulièrement dans le domaine de la psychologie. On peut par exemple citer les test effectués sur les malades atteints d’un cancer en phase terminale, dont la prise de champignons hallucinogènes réduisait considérablement les angoisses à propos de la mort.

Sur des vétérans de l’armée, l’expérience réalisée fut également très concluante : il s’est avéré que l’ecstasy apaisait les anciens militaires lors de séances tests sur des individus victimes de flashbacks violents. Idem pour les individus atteints de dépression, dont les symptômes ont été soulagés par la prise d’ayahuasca, une substance hallucinogène utilisée par les communautés indigènes d’Afrique du Sud depuis des centaines d’années.

Des succès médicaux mis à l’honneur au forum économique mondial de Davos, en Suisse. C’est ici que Robin Carhart-Harris, un éminent scientifique britannique, a fait part de son optimisme quant à l’approbation de l’utilisation de certaines drogues en tant que traitement médical. L’intérêt des scientifiques et médecins pour les drogues a considérablement augmenté ces dernières années et certaines semblent même avoir la capacité de traiter certaines pathologies jusqu’à présent intraitables par certains médicaments.

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Un succès qui attire désormais de grands groupes lucratifs

Si la recherche médicale sur les drogues avait jusqu’alors été financée par des associations à but non lucratif, elle semble désormais intéresser également de grands groupes pharmaceutiques. À titre d’exemple, l’association multidisciplinaire d’études psychédéliques a collecté plus de 70 millions de dollars pour financer des recherches sur des drogues telles que la MDMA, le LSD ou même l’ayahuasca.

Seulement, ces associations risquent de se voir supplanter par d’autres entreprises aux budgets colossaux, qui pourraient rapidement s’emparer du marché. Une start-up soutenue par Peter Thiel, le magnat de la technologie dans la Silicon Valley, a par exemple, avec son entreprise Compass Pathways, développé et injecté une substance active dans les champignons hallucinogènes pouvant envoyer l’équivalent de 20 000 personnes dans un « trip » psychédélique. Une recherche bien évidemment affiliée à l’industrie médicale, dont le but était d’étudier les médicaments qui pourraient s’avérer efficaces contre la dépression.

Investir dans la recherche sur les stupéfiants, c’est également le pari qu’a fait un entrepreneur allemand en lançant une société du nom d’Atai Life Sciences, d’une valeur de 25 millions de dollars, dans le but de financer l’étude des substances psychédéliques pour le traitement des maladies psychiatriques. « Un nouveau type d’investissement est en route », a ainsi souligné Carhart-Harris, et c’est l’industrie pharmaceutique qui est pour l’instant la plus visionnaire à ce sujet.

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Des recherches sérieuses et ciblées, pour prévenir les abus et isoler les bonnes substances

Aujourd’hui, deux substances psychédéliques retiennent particulièrement l’attention des scientifiques : il s’agit de la psilocybine, l’ingrédient actif des champignons hallucinogènes, et de la MDMA, que l’on connaît aussi sous le nom d’ecstasy. La psilocybine semble atténuer les symptômes de la dépression sévère, en particulier dans les cas de la maladie où elle s’avère être intraitable malgré la demi-douzaine de traitements de pointe développés pour y faire face.

Les scientifiques s’intéressent également de près à la MDMA, tout particulièrement dans les cas de thérapie de groupe, car elle semble aider à traiter le syndrome de stress post-traumatique provoqué par une expérience douloureuse. La marijuana intéresse également les chercheurs, et c’est aussi le cas de la kétamine, un psychédélique partiel qui pourrait avoir des effets sur la dépression et la toxicomanie.

Cependant, l’étude des drogues est un sujet qui doit être pris très au sérieux par la communauté médicale, car la manipulation de telles substances peut s’avérer dangereuse. Certaines personnes devront être tenues à l’écart de traitement contenant des drogues psychédéliques, comme par exemple celles ayant des antécédents familiaux incluant des maladies telles que la schizophrénie ou certains troubles bipolaires.

Malgré ces précautions, de nombreuses réussites et une recherche scientifique qui avance encouragent médecins et pharmacologues à briser les tabous qui pèsent sur l’usage des stupéfiants en médecine, pour pouvoir rechercher et expérimenter sans complexe, en espérant que les psychotropes apportent certaines réponses à la multitude de questions médicales qui demeurent. Pour l’avenir, Carhart-Harris a déclaré avoir de l’espoir, notamment pour pouvoir traiter la dépression sévère d’ici 2024.

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