Plus de 20 ans avant la naissance de l’internet moderne, le Canadien Marshall McLuhan en décrivait les fondements et les possibles dérives. Retour sur les prédictions de ce sociologue définitivement en avance sur son temps.
À l’aube des années 1960, la communauté scientifique, galvanisée par les récentes avancées techniques et technologiques, imagine déjà un futur proche avec des voitures volantes, des villes bâties sur la Lune et une espérance de vie moyenne dépassant les 150 ans.
Bien que peu de leurs rêves se soient effectivement réalisés, les prédictions d’un certain Marshall McLuhan au sujet de l’ère numérique se sont révélées d’une exactitude confondante.
En 1962, le sociologue canadien publie un livre intitulé « La Galaxie Gutenberg ». Dans celui-ci, McLuhan suggère que l’humanité a connu quatre âges successifs : l’oralité, l’écriture, l’impression et l’électronique.
Il décrit l’ère électronique comme un « village global », un endroit où l’information est accessible à quiconque et disponible à tout moment grâce à la technologie.
À une époque où l’informatique n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements, le Canadien voit déjà l’ordinateur moderne comme un « instrument de recherche et de communication » qui s’avèrera indispensable au bon fonctionnement du « village global » en « améliorant la récupération des données, leur centralisation et leur accès », et en permettant « de les modifier rapidement ».
EN 1962, MCLUHAN IMAGINE UN « VILLAGE GLOBAL » OÙ LES DONNÉES S’ÉCHANGENT ET SE MODIFIENT RAPIDEMENT
UN HOMME EN AVANCE SUR SON TEMPS
En définissant les fondements de son « village global », Marshall McLuhan vient de décrire à peu de choses près le fonctionnement de l’internet moderne, plus de vingt ans avant sa naissance.
Selon McLuhan, le « contenu » d’un média est toujours un autre média. Ainsi, le contenu de l’écriture est la parole, celui de l’imprimé est le manuscrit, et celui du télégraphe est l’imprimé.
L’homme est persuadé que « cette nouvelle forme d’interdépendance électronique transformera le monde en un village interplanétaire », et que ce futur média « inclura la télévision en tant que contenu et la transformera en une forme d’art ».
Toujours dans « La Galaxie Gutenberg », McLuhan estime que « l’ordinateur miniaturisé en tant qu’instrument de recherche et de communication pourrait non seulement améliorer la récupération et la centralisation des données, mais aussi agir comme une extension de la conscience de l’individu en basculant dans la sphère privée ».
Le Canadien est aussi le premier à utiliser le terme « surfer » pour désigner le fait d’avoir un accès rapide à un grand nombre de documents, en déclarant : « Heidegger surfait sur l’onde électronique aussi triomphalement que Descartes chevauchait l’onde mécanique. »
IL EST LE PREMIER À UTILISER LE TERME « SURFER »
En énonçant l’idée que le média est le message dans « Pour comprendre les médias » paru en 1968, le théoricien sous-entend que les innovations technologiques, en engendrant des modifications du dispositif sensoriel et intellectuel de l’Homme, bouleversent durablement les civilisations.
Dans ce même ouvrage, Marshall McLuhan évoque aussi l’un des problèmes les plus brûlants de l’internet moderne : la neutralité du web.
L’auteur redoute notamment que la « manipulation privée » du village interplanétaire ne signifie la fin des médias libres, et affirme que le fait de vendre les « terres du village » aux corporations conduira à la fin des libertés individuelles fondamentales.
Véritable visionnaire, Marshall McLuhan n’a malheureusement pas eu la chance de voir ses prédictions se réaliser. L’Internet au sens moderne du terme est apparu en 1983 avec l’adoption du protocole TCP/IP, trois ans après la disparition du sociologue.