On savait que notre satellite renfermait de l’eau dans ses régions polaires. Mais une nouvelle étude prouve que l’eau est présente de manière bien plus importante et répartie que l’on ne pensait jusque-là.
La lune, plus humide que l’on ne croyait
Autrefois, nul n’aurait soupçonné sa présence sur ce petit corps céleste si familier. Pourtant, l’eau existe sur la lune, et ce, depuis 4,5 milliards d’années, à l’époque où, selon une hypothèse en vogue dans la communauté scientifique, la lune se serait formée suite à l’impact géant d’un objet avec la terre. Dans les années 1990, de l’hydrogène (l’un des composants de l’eau avec l’oxygène) est détecté. Il faut ensuite attendre 2008 pour que des analyses démontrent la présence de molécules d’eau dans les roches ramenées par les missions Apollo.
Mais les scientifiques se demandaient toujours s’il s’agissait là de la règle ou de l’exception. Les roches étudiées provenaient en effet d’une intense activité volcanique passée. « Restait à savoir si ces échantillons reflétaient les conditions générales des entrailles de la Lune ou représentaient plutôt des régions riches en eau exceptionnelles, anormales dans un manteau “sec” » explique Ralph Milliken, coauteur d’une étude récente qui prouve que le sous-sol lunaire contient en réalité de l’eau en quantité.
L’étude qui change tout
L’équipe, dont les travaux on été publiés dans la revue Nature Geoscience le 24 juillet, est formelle : « l e manteau lunaire est plus humide que nous le pensions « . En effet d’après Shuai Li de l’Université de Brown, la présence de cet élément essentiel à la vie ne se limite pas à quelques exceptions et à la région des pôles (où on sait qu’il existe de l’eau sous forme de glace). On la retrouve partout où des traces de coulées de magma sont présentes.
Pour démontrer cela, les chercheurs se sont appuyés sur les données de la sonde indienne Chandrayaan-1, lancée en 2008 (une première pour ce pays). Justement dédiée à l’analyse cartographique et géologique de la lune, ces datas avaient déjà été scrutées. Mais les radiations thermales émises par le satellite avaient faussé l’analyse et ainsi masqué l’importante présence d’eau sous la croûte lunaire.
Après avoir corrigé les modèles d’analyse, l’équipe se penche sur une bande excluant les régions polaires, et découvre l’omniprésence de l’eau. La plupart du temps l’élément n’est présent qu’à des niveaux très faibles, que la topographie soit faite de plaines, de plateaux ou de cratères. Mais certaines zones sont humides à l’excès, là où l’on trouve justement des dépôts volcaniques.
D’où vient cette eau?
» Ces gisements sont répartis sur la surface, ce qui prouve que l’eau trouvée dans les échantillons d’Apollo n’est pas un cas unique « , se réjouit Ralph Milliken. » La beauté de ces résultats est qu’une fois le fond soustrait, les « hotspots » sont associés à des dépôts gyroclastiques, sans exception « . Ces gisements contiennent peu d’eau (moins de 0,05 %), mais ils sont énormes, pouvant atteindre jusqu’à 1 000 km2. La question se pose alors de l’origine de cette eau.
Certains arguent que ces taux correspondent à ce que l’on sait de la composition chimique de la terre à l’époque de l’impact supposé. L’eau serait ensuite restée piégée sous le manteau lunaire (mais comment expliquer que l’hydrogène ne se soit pas évaporé étant donné les températures phénoménalement chaudes qu’implique un tel incident ?). L’équipe suppose quant à elle que hors des « hotspots », l’eau aurait été implantée par le bombardement constant de protons dû aux vents solaires. L’hypothèse du bombardement cométaire n’est pas non plus exclue par ces résultats. Dans l’ensemble, les scientifiques restent prudents. » Nous ne sommes pas prêts à répondre à cette question « , élude Li.
Des possibilités de colonisation accrues
Si ce papier ne permet pas de trancher sur la controverse de la formation du corps céleste, il pourrait bien faciliter l’éventuelle colonisation de notre satellite. « L’eau pourrait être utilisée comme ressource in situ lors d’une future exploration », avance Li. Si le ravitaillement Terre-Lune est extrêmement complexe, coûteux, et risqué, de tels travaux sur place restent une gageure. Mais cette ressource sera de toute manière la plus indispensable.
À cet égard, l’enseignement principal de l’étude est qu’il n’est pas nécessaire de se poser sur les pôles pour avoir à sa disposition d’importante ressources hydriques. Or, cela pourrait grandement faciliter l’installation d’une colonie, comme l’explique Mahesh Anand, planétologue à l’Open University : » vous pouvez atterrir beaucoup plus facilement dans une région équatoriale de la lune, et s’il y a un dépôt d’eau ou une possibilité d’extraction, cette proposition devient d’autant plus intéressante ». On espère le vérifier d’ici quelques décennies !
Par Tristan Castel, le
Source: The Guardian
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