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L’Irlande l’a vécu, la France y fonce : comment l’IA peut faire imploser notre réseau électrique

En pleine euphorie autour de l’intelligence artificielle, un chiffre clé est passé sous les radars : celui de sa consommation d’électricité. En France, les datacenters pourraient engloutir 7,5 % de l’énergie nationale d’ici 2035. Une trajectoire qui pourrait bien griller nos ambitions climatiques.

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— issaro prakalung / Shutterstock.com

Les datacenters français engloutissent une part croissante de l’électricité nationale sans plan clair pour l’avenir

On parle souvent des avancées spectaculaires de l’IA, moins de son appétit énergétique. Et pourtant… Aujourd’hui, les datacenters consomment 10 TWh en France, soit l’équivalent de 2,5 millions de foyers. Un chiffre qui pourrait être multiplié par quatre d’ici 2035. The Shift Project tire la sonnette d’alarme : si rien n’est fait, les datacenters représenteront 7,5 % de la consommation nationale d’électricité.

Et ce n’est pas une projection farfelue. RTE, le gestionnaire du réseau, estime que 18 TWh supplémentaires seront requis rien que pour les centres de données. En clair : sans anticipation, on va devoir choisir entre alimenter un hôpital, un train ou une requête ChatGPT. La France semble avancer vers ce mur sans en percevoir clairement le danger.

L’Irlande, débordée par ses datacenters, montre ce qu’il ne faut pas faire en matière de transition numérique

Si vous pensez que c’est de la science-fiction, regardez l’Irlande. En misant tout sur une fiscalité avantageuse pour attirer les géants du cloud, elle a vu la consommation des datacenters passer de 5 % à 18 % de sa demande totale d’électricité en sept ans. Une croissance fulgurante qui a déstabilisé tout le réseau électrique du pays.

Résultat ? EirGrid a imposé un moratoire jusqu’à 2028 : plus de connexion pour de nouveaux sites autour de Dublin. Trop tard : certains développent des centrales à gaz rien que pour leurs serveurs, torpillant au passage les objectifs climatiques. La France, elle, avance à grands pas vers un scénario similaire, sans que cela ne semble inquiéter les porteurs de projets, trop heureux de surfer sur la vague IA.

Les usages de l’IA explosent et rendent son empreinte énergétique plus lourde que jamais

On pensait que l’IA mangeait surtout pendant l’entraînement des modèles. Faux. Aujourd’hui, ce sont les usages quotidiens, les inférences, qui font exploser la facture électrique. Et plus on utilise ces IA, plus il faut rentabiliser les modèles, donc plus on les sollicite. C’est un cercle vicieux aussi discret que massif.

Les modèles géants, les chatbots, la reconnaissance d’image ou de voix, la génération de contenu… chaque usage, aussi anodin soit-il, a un coût énergétique très réel. Mais il est invisibilisé : on ne voit pas les serveurs tourner à plein régime, les climatiseurs fonctionner nuit et jour, les data circuler entre continents. Derriere la magie de l’interface, c’est une infrastructure énergivore qui pulse sans répit.

Planifier, choisir et réguler les usages de l’IA pour éviter la panne énergétique et climatique

Alors que faire ? The Shift Project propose une feuille de route de décarbonation spécifique aux datacenters, aujourd’hui noyés dans les secteurs tertiaire ou industriel. Il faut quantifier les besoins réels, les réguler et les optimiser. Cela implique de favoriser les IA frugales, moins gourmandes et plus ciblées. Il faut aussi savoir limiter les usages superflus, notamment certains gadgets IA qui n’offrent aucun véritable gain sociétal.

Et surtout, il devient crucial d’intégrer les datacenters dans la planification énergétique nationale, au même titre que les industries lourdes. Ce n’est pas un discours rétrograde. C’est une forme de lucidité.

Aujourd’hui, il est plus facile de décrocher un financement pour un projet IA que pour un programme de sobriété énergétique. Et pourtant, sans cette sobriété, le risque est de devoir choisir entre la transition numérique et la transition climatique. Avant que les serveurs ne passent avant les citoyens.

Par Eric Rafidiarimanana, le

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