En collaboration avec la NASA et son projet DART — Double Asteroid Redirection Test — ou littéralement « fléchette », l’ESA, à travers son projet Hera, se prépare à l’éventualité d’un astéroïde qui se dirigerait en direction de la Terre. Les 27 et 28 novembre prochains, les responsables européens vont décider du lancement ou de l’abandon de la mission.
La menace latente des astéroïdes
Les astéroïdes ne sont pas un simple fantasme du cinéma de genre : chaque année, en moyenne 54 tonnes d’objets spatiaux s’écrasent sur Terre. Un objet de 100 mètres de diamètre, pouvant effacer une ville de la carte, menace la Terre tous les 1000 ans — un objet d’un kilomètre, tous les 300 000 ans. Pour rappel, l’astéroïde qui a précipité l’extinction des dinosaures il y a 66 millions d’années faisait entre 11 et 80 kilomètres de longueur.
Si vous voulez consulter l’historique des chutes d’objets depuis plus de trente ans, vous pouvez vous rendre sur le site du programme NEO de la NASA, qui répertorie tous les objets s’écrasant sur Terre. Devant cette menace lointaine mais réelle, les agences spatiales s’organisent pour répondre à l’éventualité où la Terre se trouverait directement sur la trajectoire d’un objet d’une taille particulièrement dangereuse.
L’ESA et la NASA ont développé ensemble le projet AIDA — Asteroid Impact and Deflection Assessment, ou « Étude de l’impact sur un astéroïde et évaluation sur la déflexion » — qui consiste en deux parties. D’abord, le petit appareil DART est censé atteindre en 2022 le double astéroïde Didymos, un parmi plus de 21 000 objets qui pourraient être un danger pour la Terre — celui-ci fait 800 mètres de diamètre et possède une petite lune de 160 mètres de diamètre, Didymoon, lui orbitant autour. DART va l’atteindre, ou plus précisément la percuter : cinq ans après le crash planifié de l’appareil américain, l’appareil de l’ESA Hera se rendra dès 2027 à l’endroit du cratère.
Cette mission double a plusieurs objectifs : d’abord, il est question de « défense planétaire », en évaluant l’efficacité des techniques de « déflexion », c’est-à-dire la modification de la trajectoire orbitale d’un objet spatial par la percussion d’un appareil, afin que cet objet évite la trajectoire de la Terre, mais aussi l’acquisition de nombreuses données scientifiques, comme la composition des astéroïdes de petite taille. Brian May, astrophysicien et musicien emblématique, vous explique (en anglais) en quoi consiste la mission.
Hera, première étude de la faisabilité de la déflexion
Hera a pour vocation de déterminer précisément les effets de l’impact, par l’évaluation précise de la masse de la lune, la taille du cratère, sa morphologie… : l’appareil tirera un rapport complet des suites de la collision, afin de déterminer l’efficacité de la percussion de DART sur la trajectoire de Didymoon, et développer de futurs protocoles de déflexion. Patrick Michel, à la tête de la mission au sein de l’ESA, expliquait en conférence de presse que la période actuelle est fascinante pour l’étude d’astéroïdes : ne serait-ce que la semaine dernière, la sonde japonaise Hayabusa-2 repartait en direction de la Terre, après un contact avec l’astéroïde Ryugu à 340 millions de kilomètres d’ici.
La mission Hera marquerait l’histoire avec de nombreuses premières, ce qui, au-delà de l’intérêt de sécurité planétaire, offre des opportunités scientifiques uniques. En effet, Didymoon sera le plus petit astéroïde jamais visité, cette mission verra la première étude des propriétés internes d’un astéroïde, une première navigation autonome autour d’un objet si petit, une première étude de crash sur un astéroïde… « Très peu est connu sur des objets si petits, alors qu’ils sont particulièrement menaçants », explique Michel. Les chercheurs ont notamment dû revoir toutes leurs estimations au moment où Hayabusa-2 qui percutait (sans crash) Ryugu à 2 kilomètres/seconde, a laissé un cratère de 10 mètres de diamètre, contre les 1-2 mètres estimés. DART est censé frapper l’astéroïde à une vitesse de 6 kilomètres/seconde.
Une décision attendue les 27 et 28 novembre
Nouvelle version d’un projet débuté il y a 15 ans, nommé AIM (Asteroid Impact Mission) et abandonné en 2016, la mission Hera sera approuvée ou rejetée lors d’une réunion de responsables ministériels européens, les 27 et 28 novembre prochains. Michel rappelle l’importance de la mission en collaboration avec deux agences majeures, pour les bénéfices en termes de sécurité et de découvertes scientifiques, et déclare la mission prête. Il insiste sur le fait que c’est l’agence européenne qui a initié le projet de défense, des années avant d’être rejointe par la NASA. En attendant la décision européenne, une campagne de soutien public au projet de l’ESA, à laquelle chacun peut participer, a été mise en ligne.
Par Victor Chevet, le
Source: FuturaSciences
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