Aller au contenu principal

« Le travail humain est-il devenu un problème à résoudre ? » : pour les géants de l’IA, la réponse semble claire

Le travail n’est plus au centre du progrès : il devient un obstacle à la croissance, selon les grands acteurs de l’IA. En misant sur un avenir sans main-d’œuvre, ils redéfinissent la place de l’humain dans l’économie. Une logique troublante qui remet en cause les fondements même du capitalisme.

Femme robot humanoïde au visage métallique travaillant devant un écran d’ordinateur.
Une IA humanoïde en pleine réflexion : symbole des nouvelles capacités cognitives des intelligences artificielles autonomes.

Pourquoi les géants de la tech veulent supprimer le travail humain pour maximiser leurs profits

Il y a une idée qui me hante depuis quelque temps. Elle revient dans les discours des patrons de la tech, se glisse dans les rapports financiers, et même dans les déclarations des chercheurs en IA les plus réputés.

Cette idée, c’est que le travail humain est devenu un problème à régler, une charge qu’il faudrait éliminer pour maximiser les profits et faire décoller la productivité. Geoffrey Hinton, le « père de l’IA », ne s’en cache même plus : selon lui, les IA doivent remplacer l’humain pour que les investissements soient rentables.

On pourrait croire à un délire de science-fiction, mais non. En 2025, Microsoft, Meta, Alphabet et Amazon ont injecté 420 milliards de dollars dans l’IA. Et OpenAI, qui carbure à la puissance de calcul, a annoncé un partenariat d’un trillion de dollars avec Nvidia, Oracle et Broadcom.

Pourtant, ces boîtes perdent encore des milliards. Alors pourquoi continuer ? Parce qu’ils misent sur un avenir où l’humain n’a plus sa place dans la chaîne de production. C’est là que se trouve le retour sur investissement, nous dit-on.

Comment l’IA promet de résoudre la contradiction centrale du capitalisme moderne

On touche ici un point fascinant. Le capitalisme a toujours eu un rapport ambivalent au travail. Il en a besoin pour produire de la valeur, mais il cherche constamment à réduire les coûts salariaux. L’automatisation, puis l’IA, apparaissent alors comme les outils parfaits pour résoudre cette contradiction : produire sans payer l’humain. C’est brutal, mais logique.

Jathan Sadowski, chercheur relayé par Futurism, résume ce projet sans fard : l’IA est vue comme la clé pour supprimer les coûts, homogénéiser les compétences et supprimer la main-d’œuvre. Autrement dit : l’humain gêne. Et l’IA n’est pas là pour l’aider, mais pour le remplacer.

L’effet est déjà visible. Depuis l’arrivée de ChatGPT, les offres d’emploi ont chuté de 30 %, selon Fortune. Amazon, tout en se défendant de tout lien avec l’IA, reconnaît que l’automatisation permet de réduire les effectifs corporate. Et demain ? Nous aurons les avocats, les profs, les journalistes, les artistes… tous dans la même spirale.

Ce que Marx avait prédit : quand le travail disparaît, le capitalisme se saborde

Ce que je trouve sidérant, c’est que Karl Marx avait anticipé ce basculement, dès le XIXe siècle. Dans un texte peu connu appelé Fragment sur les Machines, il écrivait que le jour où les moyens de production n’auront plus besoin du travail humain, alors le capitalisme s’effondrera sur lui-même. Parce que toute la richesse repose, encore aujourd’hui, sur la mise au travail des individus. Que reste-t-il quand ce travail n’est plus nécessaire ?

C’est la grande contradiction : le capitalisme veut réduire le temps de travail tout en basant sa valeur sur ce même travail. Plus il automatise, plus il détruit la base même de sa richesse. Sauf à imaginer un modèle totalement nouveau, où les fruits de la production seraient redistribués autrement. Mais on en est loin, très loin.

Un avenir sans travail n’est vivable que si la redistribution suit vraiment

On pourrait rêver. Un monde où les machines travaillent pour nous, pendant que nous explorons l’art, la science, la nature. Un nouveau temps libre réinventé, à la manière de la Renaissance ou des Lumières. Mais cette utopie n’a de sens que si elle est accompagnée d’une réforme sociale radicale. Or, dans un monde dominé par le profit privé, l’automatisation ne libère pas : elle fragilise, déplace, ou efface.

Geoffrey Hinton le reconnaît lui-même. L’IA peut transformer l’éducation, la santé, l’industrie. Mais sans un véritable projet de société, elle ne fera qu’accélérer les inégalités. Ce n’est pas la technologie qui est en cause, mais ce qu’on en fait. Et pour l’instant, le projet des géants de l’IA semble clair : remplacer l’humain, pas le soulager.

Par Eric Rafidiarimanana, le

Catégories:

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *