Un rapport parlementaire secoue Washington. Des milliers d’articles scientifiques cofinancés par les États-Unis auraient, sans le vouloir, permis à la Chine de renforcer son arsenal technologique. Naïveté, aveuglement ou stratégie à double tranchant ? Plongée dans une affaire qui inquiète jusqu’au Congrès.

Comment des recherches américaines de pointe ont servi les ambitions stratégiques chinoises
Pendant des années, les États-Unis ont misé sur la coopération scientifique internationale. Ils croyaient au pouvoir du savoir partagé. Pourtant, on découvre aujourd’hui que plus de 4 300 publications scientifiques sino-américaines, soutenues par le Département de l’Énergie (DOE), auraient été exploitées à des fins militaires par la Chine.
De plus, ces recherches ne portaient pas sur des sujets anodins. Il s’agissait de nucléaire, d’informatique quantique, de physique des matériaux. Autant de domaines au cœur de la rivalité technologique. En voulant jouer la carte de l’ouverture, les laboratoires américains ont parfois, sans le savoir, renforcé les capacités militaires de Pékin.
La présence de chercheurs liés à l’armée chinoise dans des projets financés par le contribuable américain
L’enquête du Congrès s’appuie sur un constat glaçant. Près de la moitié des chercheurs chinois impliqués étaient affiliés à l’industrie militaire ou à des universités liées à l’Armée populaire de libération. De surcroît, certains figuraient même sur les listes noires du Pentagone, en raison de soupçons d’espionnage ou de violations des droits humains.
Autrement dit, il ne s’agissait pas de simples échanges académiques. Bien au contraire, certaines de ces collaborations ont contribué à des avancées dans des domaines stratégiques. Le DOE, pourtant responsable de la sécurité des recherches sur le nucléaire, aurait partagé des informations sensibles avec des institutions jugées risquées.
Ce n’est donc pas seulement un problème de vigilance. C’est aussi une question de culture stratégique. En Chine, les frontières entre recherche civile et militaire sont floues. Par conséquent, là où les États-Unis voient un levier de diplomatie scientifique, Pékin y voit un outil de suprématie technologique.
Des parlementaires américains réclament une réforme en profondeur des coopérations scientifiques internationales
« Un problème profondément alarmant », alerte le représentant John Moolenaar, président de la commission sur le Parti communiste chinois. En réponse à cette situation, le Congrès appelle à un contrôle renforcé des partenariats scientifiques. Il souhaite également une évaluation systématique des risques pour la sécurité nationale avant chaque collaboration financée par des fonds publics.
Par ailleurs, les élus demandent un meilleur partage d’informations entre agences fédérales. L’objectif est clair : identifier plus rapidement les projets problématiques. En somme, pour beaucoup, il est désormais temps de sortir d’une forme de naïveté face à une Chine stratège et patiente.
Le dilemme entre compétitivité scientifique et sécurité nationale divise la communauté scientifique
Mais ce durcissement inquiète. Déjà, 750 scientifiques américains ont tiré la sonnette d’alarme. En effet, ils redoutent que des restrictions excessives freinent la recherche. Cela risquerait aussi de bloquer les échanges et d’affaiblir la compétitivité scientifique des États-Unis.
Comme souvent, deux visions s’affrontent. D’un côté, les impératifs de sécurité nationale. De l’autre, la défense des libertés académiques. Le DOE promet des garde-fous plus rigoureux. Toutefois, la question reste entière. Comment innover sans se faire dépasser ou déposséder ?
Par Gabrielle Andriamanjatoson, le
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