Jin-Roh est considéré comme un chef-d’oeuvre de l’animation japonaise à la fois pour son univers complexe, ses différents niveaux de lecture, son animation réaliste et sa musique exceptionnelle. Mamoru Oshii est reconnu dans le monde entier comme l’un des plus grands créateurs de films d’animation et c’est en partie grâce à Jin-Roh. Une oeuvre poignante, mais sombre, qui nous plonge dans une version alternative des suites de la Seconde Guerre mondiale au Japon.

 

L’intrigue prend place dans le courant des années 60. Mais il n’est pas question d’un Japon en pleine expansion sous l’influence américaine, car dans cette réalité, l’Allemagne nazie a gagné la Seconde Guerre mondiale. Occupant l’archipel pendant les deux décennies suivantes, le Japon est en proie au chaos lorsque les Allemands se retirent. Alors que les gens se révoltent et que des extrémistes forment le groupe connu sous le nom de La Secte, le gouvernement envoie des forces spécialisées pour faire face aux émeutes.

 

 

Cette brigade d’élite est chargée de faire respecter l’ordre et doit continuellement affronter les civils. Les policiers ne leur font pas confiance et les civils les haïssent. Le protagoniste, le lieutenant Kazuki Fuse faillit à sa mission lorsqu’il tombe nez à nez avec une petite fille portant un chaperon rouge et transportant une bombe. Envoyée par La Secte, elle se retrouve coincée dans les égouts, dos au mur et face aux forces spéciales. Fuse ne fait pas feu et la petite fait exploser la bombe.
Le lieutenant survit l’explosion, mais reste traumatisé par son expérience.

Il se décide à aller sur la tombe de la fillette et fait la connaissance de sa soeur avec qui il développe une relation complexe alors que les forces spéciales sont elles-mêmes à un moment critique de leur histoire. Si certaines scènes sont troublantes de violence, la grande majorité du film développe les personnages et le monde qui les entoure à l’aide de références plus ou moins discrètes. Les échos du conte de Charles Perrault, le Petit Chaperon rouge se font entendre durant tout le long du film avec une perspective bien plus sombre que l’original.

 

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L’imagerie nazie est constamment présente dans le design des costumes et l’architecture lorsqu’elle n’est pas renforcée par l’esprit créatif de Mamoru Oshii. Les yeux rouges des casques des forces spéciales sont devenus l’élément le plus évocateur du film et sont terrifiants du point de vue des civils. Alors que Fuse joue le rôle du grand méchant loup et la fillette celle du chaperon rouge, on réalise qu’ils ne collent à ces images qu’à cause de leur environnement. Intérieurement, leur humanité se déchire face à la réalité de leur situation et Fuse apparait progressivement comme un héros tragique.

À côté de ça, l’animation est sublime et impeccablement exécutée. Chaque écran est marqué par une tonne de détails, les personnages sont réalistes, leurs armes terrifiantes et les ombres subtiles. Le réalisme de la production dénote de la majorité des oeuvres d’animation de ce calibre qui nous plongent souvent dans des mondes fantastiques et colorés. La musique d’Hajime Mizoguchi fait frissonner lorsqu’elle ne fait pas pleurer, accompagnant à merveille les scènes atmosphériques et les moments d’émotion. La majorité du film se déroule sans dialogue et malgré ce que l’on peut en penser de l’extérieur, il ne faut pas se lancer en espérant voir un film d’action.

 

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Captivant par son atmosphère et intrigant par son scénario, Jin-Roh est une oeuvre puissante, que l’on regarde en restant marqué à vie. Le talent de Mamoru Oshii est de nouveau évident. Mais si le monde de Jin-Roh semble si vivant malgré la dureté de son quotidien, c’est parce que son créateur le développe depuis 1986. Le film est sorti treize ans plus tard et Mamoru Oshii continue encore aujourd’hui de poursuivre sa saga Kerberos à travers des comics et des films. L’oeuvre d’une vie qu’il ne faut manquer sous aucun prétexte.

 

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Peignant l’horreur de la réalité telle que l’a imaginée Mamoru Oshii, Jin-Roh est une histoire qui ne vous lassera pas insensible. L’intelligence de sa structure narrative absorbe le spectateur du début à la fin sans que l’on sache si on devrait être effrayé ou pleurer. Un développement qui prend le temps de laisser ses personnages évoluer devant nos yeux avant un final grandiose. Quelle autre oeuvre de Mamoru Oshii est selon vous incontournable ?

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